Originaire de Brooklyn, dans le secteur de Williamsburg, Melissa Weisz a grandi au sein de la communauté juive Satmar. Une «secte», dit-elle sans baisser le ton, dépeinte dans Unorthodox, une production de Netflix inspirée par les mémoires de l’autrice Deborah Feldman. De la bouche de Melissa, qui campe d’ailleurs un petit rôle dans la série, le mot «secte» s’échappe comme si de rien, sans plus ample préambule ni la moindre amertume.

C’est que Melissa, voyez-vous, a réussi l’improbable: rester en contact avec ses parents. «Ils n’approuvent pas encore mon choix de vie, mais ils l’acceptent de plus en plus. […] Je suis vraiment proche d’eux, en fait. Avec la quarantaine, on se parle tous les soirs. Je suis dans un groupe Zoom avec eux et mes frères et sœurs où on étudie la Torah.»

Melissa n’a jamais, pas même plus jeune, remis sa foi en question. C’était plutôt le contraire. Avide de connaissances et curieuse, elle se heurtera rapidement à des frontières invisibles. Adolescente, déjà, elle s’accommode mal au quotidien de mère et ménagère qui se profile irrémédiablement devant elle. Son intérêt pour la religion fera germer en elle un désir d’émancipation. De rébellion, presque. «À l’école, je me suis mise dans le trouble parce que je posais trop de questions. Je me questionnais sur le judaïsme, sur ma communauté, sur le rôle des femmes… J’essayais de trouver une manière de donner du sens à cette vie, à trouver ma place tout en restant croyante et pratiquante. Quand je suis allée étudier en Angleterre, chose qui n’était pas permise pour les femmes dans ma communauté, un rabbin m’a dit « c’est vraiment dommage que tu ne sois pas née homme. » C’était la première fois que quelqu’un l’articulait aussi clairement et ça résumait mon état d’esprit. Je veux dire… Je suis confortable dans le corps d’une femme, mon identité de genre n’a jamais été un problème pour moi, mais de ce monde-là c’était devenu trop contraignant.»

De retour aux États-Unis, un «mariage arrangé» l’attendait au détour, comme une fatalité. Melissa n’échapperait pas au rôle que Dieu avait prévu pour elle. Elle n’a alors que 19 ans. «Mes parents ont pris soin de me trouver un mari qui était plus ouvert d’esprit, lui aussi. Il était très intelligent, nous avions des conversations intéressantes, mais mes questions demeuraient en suspens. J’ai longtemps essayé de m’accommoder à cette vie, de faire en sorte que ça marche pour moi. […] Je voyais la beauté dans cette communauté, mais je me suis finalement rendu à l’évidence: ce n’était pas pour moi.»

Quatre ans plus tard, elle demande le divorce et remplit sa valise. La transition vers le monde dit séculaire ne s’est pas faite du jour au lendemain, précise-t-elle, mais sa vocation vraie l’attendait au détour de la rupture avec son époux, sa communauté. Ses parents, plutôt que de lui en vouloir, se sont fait du mauvais sang. « C’était toute une affaire. Ma famille s’inquiète beaucoup. Ils ne connaissent pas le monde extérieur et ils voulaient s’assurer que j’étais en sécurité. […] En plus, quand tu quittes, c’est très instable, tu dois apprendre plein de nouvelles choses. »

Le métier de comédienne lui est tombé dessus comme un cadeau. «J’avais des amis qui traduisaient Roméo et Juliette pour en faire un film en yiddish et ils cherchaient une Juliette. J’ai auditionné et ça a été mon premier rôle. Je n’avais jamais joué ni lu Shakespeare avant ça. C’était une expérience très nouvelle pour moi et ça a été une révélation!»

À ce jour, Melissa figure au générique de plus près d’une vingtaine de productions dont Felix et Meira, un long-métrage du québécois Maxime Giroux tourné à Montréal en 2014. Elle co-anime aussi The Forbidden Apple, un balado où elle s’efforce, avec des invités de toutes confessions, à concilier croyances religieuses et identité queer. Elle se destinait, tout compte fait et sur cette Terre, à créer des ponts entre les êtres.

La bonté est au cœur de sa démarche, un trait de caractère qu’elle doit à ses parents et aux Satmar qui ont croisé sa route. «Oui, j’ai quitté la communauté et j’en critique certains aspects, mais je veux que les gens en voient aussi les bons côtés. […] Quand j’étais à l’école, par exemple, les filles les plus populaires étaient toujours les plus gentilles. De ce que j’ai vu dans les séries, les filles populaires des écoles séculaires ne sont pas toujours très fines, parfois même un peu potineuses. Dans ma communauté, ce n’est pas perçu  comme quelque chose de cool. J’ai appris à être humble, bienveillante et à aider les autres sans avoir besoin de reconnaissance.»

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