La première fois que j’ai vu Alexandre, c’était dans une soirée à Québec, là où il habitait. Il avait 21 ans, et il avait une fiancée, qu’il fréquentait depuis sept ans. Entre lui et moi, ça a cliqué tout de suite, un véritable coup de foudre. Durant les semaines qui ont suivi, on a continué à se parler sur Internet. Il vivait avec sa copine, mais on parvenait quand même à «vidéochatter» durant des heures. Il me faisait me sentir spéciale, nos conversations étaient stimulantes. Il était beau, brillant, ambitieux. J’aimais tout de lui. Quand il est venu me voir à Montréal, quelques semaines plus tard, on s’est embrassés. Rapidement, il a rompu avec sa fiancée, et on a poursuivi notre relation à distance pendant huit mois. Malgré l’université, le travail et les amis, on trouvait du temps pour se voir quelque part entre Québec et Montréal.

On était follement amoureux. Son ex, elle, vivait mal la rupture et restait très accrochée à lui. Je la détestais tellement, et je me sens coupable aujourd’hui de l’avoir autant jugée. Je me rends compte, avec le recul, que je ressentais un fort besoin de «gagner» contre elle, de lui prouver – et de me prouver à moi-même – que notre amour était plus fort que le leur. Que lui et moi, c’était pour toujours. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles, après six mois de relation, je lui ai dit oui quand il m’a demandée en mariage.

Malgré notre jeune âge, j’y croyais sincèrement. J’étais entourée de longs mariages heureux. Mes parents s’étaient eux-mêmes mariés à 20 ans. Mes sentiments pour Alexandre étaient forts, et j’aimais ce qu’on projetait. On partageait les mêmes buts et les mêmes rêves. J’étais convaincue que ça pourrait durer toujours. On a emménagé ensemble quelques mois avant notre mariage, qui a eu lieu au mois de novembre au palais de justice. C’était une belle journée, toute simple et remplie d’amour. J’en garde un excellent souvenir.

À peine deux mois plus tard, la première brique m’est tombée dessus. C’était le 4 janvier, et Alexandre était à Québec. Sans trop savoir pourquoi, pendant que je tricotais devant la télé, j’ai eu un drôle de pressentiment. J’ai ouvert son Facebook. Dans sa boîte de messages, j’ai vu qu’il entretenait depuis environ une semaine une conversation très explicite avec une fille qu’il avait connue sur un obscur site de rencontres. Il lui avait même parlé de moi. Quand elle lui avait demandé une photo de sa femme, il lui en avait envoyé une. C’était à n’y rien comprendre. On était ensemble depuis un an, en amour par-dessus la tête. Tout était parfait.

Après l’avoir appelé pour l’engueuler, j’ai téléphoné à une amie en pleurant. C’était comme si on venait de me pousser en bas d’un immeuble. Le lendemain matin, il a pris le premier autobus pour revenir. J’étais en état de choc. Ce jour-là, il m’a menacée pour la première fois: «Si tu me quittes, je vais me pendre.» On est restés ensemble trois autres années, après ça. Trois ans à vivre dans la peur de le retrouver mort, en passant la porte de notre appartement, après chaque petite chicane.

Mais à l’époque, je n’étais pas prête à partir. Je refusais de me séparer après trois mois de mariage, déterminée à travailler sur notre couple. Je l’aimais encore. L’année qui a suivi a été difficile, remplie de chicanes et de scènes de jalousie. Un an après l’incident, croyant que le pire était derrière nous, j’ai recommencé à respirer.

Puis, un soir, tout a basculé de nouveau. J’étais chez moi avec mon amie Catherine, nouvellement célibataire. Elle venait de s’inscrire à Tinder, un monde dont j’ignorais tout à l’époque, et j’ai demandé à jeter un œil sur son téléphone pour le fun. Dans ses textos, j’ai vu des messages de «A», qui lui disait: «Je me touche en pensant à toi.» En rigolant, j’ai cliqué pour voir le numéro de «A». C’était celui de mon mari.

J’ai ressenti, dans ma poitrine, ce même affreux sentiment de vertige. J’ai appelé Alexandre pour lui hurler que c’était fini, et j’ai exigé de Catherine qu’elle me raconte tout, dans les moindres détails: les soirées où nous étions tous les trois ensemble, celles où il la textait pendant que je dormais à ses côtés. Ce soir-là, j’ai pris mes affaires et je suis partie. Les trois mois suivants, Alexandre m’a poursuivie sans relâche, me faisant mille et une promesses, et menaçant encore de mettre fin à ses jours.

Malgré tout ce qu’il m’avait fait, j’étais attachée à lui, à mon couple, à cet avenir à deux que j’avais imaginé pour nous.

Je suis donc retournée avec lui, mais quelque chose s’était brisé entre nous. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à remarquer qu’il avait des ennuis financiers. On recevait des lettres d’huissiers. Il était toujours “cassé”, même s’il gagnait bien sa vie. Depuis qu’on vivait ensemble, je lui versais chaque mois ma part des comptes, sans vérifier s’il les payait. Puis, un jour, je suis rentrée à la maison, et il n’y avait plus d’électricité. Il devait des milliers de dollars à Hydro-Québec.

J’étais épuisée. Je me souviens de m’être posé la question: «Mais qu’est-ce que ça va prendre pour que je le quitte enfin?»

Quelques jours à peine après le coup de l’Hydro, il m’a avoué du bout des lèvres qu’il écrivait souvent à une fille sur Messenger depuis quelque temps. Tannée de ses messages cochons qu’il lui envoyait tard le soir, cette fille avait écrit à une de nos amies communes, qui avait alors donné un ultimatum à Alexandre: «Tu dis tout à Arielle, sinon c’est moi qui le fais.» Il m’a annoncé la nouvelle par écrit, un midi, pendant que j’étais au travail.

Et ce jour-là, j’ai cessé de l’aimer d’un seul coup. Je lui ai laissé tous les meubles et je suis partie avec les chats.

Il m’a harcelée durant quelques mois, jusqu’à ce qu’il se fasse une nouvelle copine. Plus tard, j’ai appris qu’il avait un problème de consommation de cocaïne, ce qui expliquait ses ennuis financiers, et qu’il avait contracté plusieurs dettes dans mon dos. Je reste aussi convaincue qu’il a entretenu des liens avec d’autres filles tout au long de notre relation. Les signes étaient là, mais je ne voulais pas les voir. J’aimais l’idée d’avoir trouvé mon âme sœur. L’idée du mariage à la vie, à la mort.

Tout récemment, soit trois ans après notre séparation, j’ai finalement demandé le divorce. Quelle libération!

J’ai beaucoup appris sur moi depuis la rupture, notamment que je ne suis ni jalouse ni «contrôlante» quand je suis avec quelqu’un en qui j’ai confiance. Je sais aussi que je devrai toujours conserver mon indépendance financière pour me sentir en sécurité dans un couple. Sans être aigrie, j’ai également compris ce que j’ai sacrifié, et ce que je ne sacrifierai plus jamais pour mon couple.

J’avoue que ce n’était pas dans mes plans d’être divorcée à 27 ans, mais je suis reconnaissante d’avoir traversé tout ça à l’âge que j’avais. Maintenant, j’ai toute la vie devant moi pour me réinventer.