Depuis toujours, je m’adapte au groupe dans lequel je suis, je cède la place, ou j’en prends davantage lorsque c’est nécessaire. Je sais me taire quand je sens que le combat n’est pas à choisir, mais surtout je m’adapte pour contribuer au confort des autres… au détriment du mien. Je possède ce que j’appelle une personnalité caméléon.

J’ai su read the room très tôt dans ma vie. Enfant, je savais déjà que je devais calmer la folie qui me caractérisait si distinctement pour ne pas trop taper sur les nerfs des gens (sauf une fois, en troisième année, pendant un spectacle de violon, quand j’ai ajouté du mien en bonifiant la performance d’un solo dansé improvisé, évidemment sans avoir prévenu le reste de ma classe… malaise).

Puis, je repense à juillet 2022. C’est le party annuel d’été sur le ponton familial, un DJ donne un spectacle sur le lac, et je profite de cette fiesta aquatique en buvant ma canette de Clamato au haricot mariné. Mon visage prend du soleil, il y a du David Guetta de 2008 qui joue, je suis entourée de ceux qui me font sentir «chez nous». Bref, j’ai du fun. Fidèle à mes habitudes, je chante, je danse et je crie «allô» aux personnes sur les autres bateaux. Mon père rit un peu, mais me demande de me calmer, au cas où je dérangerais les gens… eux aussi en train de vivre leur best life en écoutant du DJ Dan Desnoyers.

«Hé qu’est criarde!» lance mon père en roulant les yeux. Puis, se tournant vers moi: «C’tu nécessaire?»

Dans un élan de confiance, je lui réponds: «P’pa, on n’est pas à messe, on est à Ibiza version Québec. Le jour où j’agirai pus comme ça, tu vas être inquiet et tu vas t’ennuyer de cette folie-là.»

«Je réalise que, rendue à mon âge, pâlir ma façon d’être, c’est un projet qui ne m’intéresse plus.»

J’ai vu dans sa face qu’il réalisait que je n’avais plus 13 ans. Que je n’avais plus peur de m’affirmer et de répondre quand ça me dérangeait. Mon père a simplement acquiescé d’un sourire un peu déstabilisé, mais fier.

J’aurai 30 ans dans quelques semaines. C’est la décennie où on est assez vieux pour faire le bilan de nos expériences passées, mais encore assez jeunes pour planifier ce qu’on souhaite changer dans nos vies (j’ai entendu ça sur TikTok, c’est bon, hein?). Je réalise que, rendue à mon âge, pâlir ma façon d’être, c’est un projet qui ne m’intéresse plus. J’ai fini de vouloir changer qui je suis pour me conformer aux autres.

J’ai toujours déplacé de l’air, et je sais que ça peut déranger des gens. Mais c’est aussi ce qui me définit et ce que je retiens de ma mère, qui n’est plus avec nous aujourd’hui pour habiter sa lumineuse façon d’être. Je parle fort, je crie de rire, j’aime trop vite, pis trop intensément. Je suis «trop». Mais «trop» aux yeux de qui? On s’en fout peut-être d’eux autres, dans l’fond.

Être caméléon, c’est une qualité, mais c’est aussi un déshonneur à ma personnalité et à celle qui me l’a léguée. Alors, SHOWTIME!

Lire aussi:
La fois où… Anne-Lovely Etienne a su qu’elle passerait toujours en deuxième
La fois où… Elisabeth Massicolli a décidé de se prendre au sérieux
La fois où… Véronique Grenier s’est soustraite au regard des autres