Je pense que, comme beaucoup de personnes, j’ai passé une partie de ma vie à me déprécier physiquement, à trouver que je n’étais pas assez ceci, trop cela, à vouloir être autre, à me comparer aussi, évidemment. Claudia Schiffer. Cindy Crawford. Naomi Campbell. Elles étaient dans les revues, à la télévision. Des top-modèles, on disait. La haine de soi se cultive dès l’enfance.

Je porte des lunettes; je n’ai pas de seins généreux; mes cheveux ont toujours été fins, cassants, blancs dès l’âge de 18 ans; je mesure 5 pieds 1; j’ai la non-chance d’avoir un poil foncé et présent. Un poil existant. D’aussi loin que je me souvienne, je me suis trouvée laide, au mieux quelconque, les jours d’optimisme. J’entretenais la conviction que les personnes qui me disaient le contraire se trompaient ou me mentaient. J’ai même cru, pendant longtemps et jusqu’à ce qu’on se sépare, que le père de mes enfants était avec moi faute de mieux, par dépit.

Ce que ça signifie, c’est que pendant des années, j’ai lutté contre mon apparence. Un combat quotidien, qui a trouvé le moyen de se faire appeler self-care, soin de soi, «se faire belle». Verres de contact, talons hauts, teintures, rallonges, épilation, maquillage: travailler à mon embellissement et à son maintien a été un grand projet, qui s’est décliné en nombre de pots de crème pour la face, d’exfoliants, de minutes au gym.

«D’aussi loin que je me souvienne, je me suis trouvée laide, au mieux quelconque, les jours d’optimisme.»

Je ne sais pas ce que j’ai fait «pour moi» là-dedans. C’est la conclusion à laquelle j’ai fini par arriver après une série d’événements qui ont orienté, par la force des choses, le rapport que j’entretenais avec mon corps et avec ce qu’il projette. Il y a eu une hernie discale, la pandémie, un accident de voiture. J’ai aussi pris la décision non pas d’être célibataire, mais d’être «avec moi-même». Cet enchevêtrement m’a permis de me soustraire au regard de l’autre, de ne plus lui accorder, en fait, autant de valeur qu’avant. J’ai pu voir comment je me sens quand personne ne rive des yeux intimes sur moi, quand je ne vis pas avec le risque de recevoir des commentaires, avec l’obligation de performer, de mettre en scène de quoi j’ai l’air, tout en craignant de ne pas être assez. J’ai pu prendre la mesure de cette liberté.

Quelque chose en moi a fini par lâcher prise. J’ai adopté le linge mou, joué avec mes cheveux (de la coupe mulet à la chevelure presque rasée et rose — et je dois souligner à quel point ma coiffeuse, Cassandra Boilard, a été une personne-ressource importante dans tout ce parcours et pas juste parce que c’est une magicienne avec ses ciseaux), j’ai lâché les talons hauts, etc. Certains diront que je me suis «laissé aller», j’imagine. Ce n’est pas complètement faux. Je suis effectivement allée visiter un autre champ des possibles, je me suis laissé aller voir ailleurs, et il se trouve que j’y étais. Mieux.

Je ne peux pas dire que tout est réglé, que la lutte est terminée. Ça va, ça vient. Il y a des choses qu’on traîne, d’autres avec lesquelles on se réconcilie. Cela dit, je parviens à retrouver cet état de lâcher-prise, à m’y réfugier, au besoin. À me rappeler que les yeux des autres, je peux les fermer. 

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