Cette lumière braquée sur les biais racistes de notre société m’a aussi fait prendre conscience de la blancheur des studios de bien-être, ici et ailleurs. J’ai animé des camps d’entraînement rassemblant des centaines de femmes venues de partout au Québec pour courir dans les bois et pratiquer le yoga au bord du fleuve. Je mène des groupes à Montréal toutes les semaines. Toutes ces activités ont le même objectif: se réunir entre femmes pour prendre soin de soi et connecter par le mouvement physique. Un objectif que j’ai naïvement pensé inclusif et rassembleur, mais force est de constater que la très vaste majorité des participantes sont blanches. Partout, tout le temps. Parce que les conversations difficiles sont bien souvent celles dont on a le plus besoin, j’ai joint Kim Knight et Shanelle McKenzie, les fondatrices de The Villij, une communauté de bien-être pour femmes de couleur.

Quelles expériences dans l’univers du sport et du bien-être vous ont menées à la création d’une communauté réservée aux femmes de couleur?

Shanelle McKenzie: Dans ma vingtaine, j’ai fait un roadtrip de New York à Los Angeles pour visiter toutes sortes de studios et expérimenter différents cours. Partout, je me répétais la même chose: cet espace n’est pas pour moi. Personne ne me ressemble ici. Lors d’une séance de yoga, par exemple, la professeure ne savait pas comment poser ses mains dans mes cheveux pour corriger ma posture… Une professeure noire aurait mieux su comment toucher mes rallonges. J’ai senti que je ne pourrais jamais retourner à cet endroit.

Kim Knight: Mes expériences sont similaires. Après avoir passé des années à explorer différentes avenues, rien ne collait. À Montréal, à Toronto ou à New York, des villes pourtant connues pour leur diversité, le scénario était le même: j’étais bien souvent la seule femme de couleur dans le cours, qui était lui-même donné par une femme blanche.

Selon vous, comment en sommes-nous arrivées à créer des espaces de bien- être où seules les femmes blanches se sentent accueillies et acceptées?

Kim: La présentation des lieux joue un grand rôle. L’image des femmes choisies pour promouvoir les studios, les photos sélectionnées pour les réseaux sociaux… Chaque image devient un indice sur le type de clientèle que recherche l’établissement: si aucune femme de couleur ne s’y trouve, on envoie le message qu’elles n’y sont pas les bienvenues. Et on n’a pas à chercher très loin: en tapant «yoga» sur Google, on ne nous propose que des femmes blanches. Pourtant, les racines du yoga proviennent du continent asiatique…

Shanelle: Il n’y a pas que la présentation. Il faut aussi engager des femmes de couleur. Un effort d’inclusion, ce n’est pas seulement de les montrer. Il faut aussi les payer. Encourager leur travail.

The Villij anime des discussions et offre des cours de TrapSoul Yoga réservés aux femmes de couleur. Pourquoi sont-ils nécessaires?

Kim et Shanelle: Les communautés de bien-être deviennent des milieux sécuritaires où on prend soin de sa santé mentale et émotionnelle. Les femmes de couleur vivent des traumatismes raciaux propres à leur situation. En se réunissant entre elles, elles apprennent à partager leur histoire avec d’autres, elles peuvent amorcer leur guérison et découvrir le pouvoir de l’expression de soi.

Et si on désire créer un espace où toutes les femmes sentent qu’on prend soin d’elles et qu’on les voit pour ce qu’elles sont, par où peut-on commencer?

Kim et Shanelle: Quand on travaille en bien-être, on est au service d’une communauté. Il est donc important de se demander qui sont les membres de cette communauté, quels sont leurs besoins actuels, et comment y répondre adéquatement. On répond à ces questions en s’informant, en allant au-delà de son groupe d’amies pour choisir un studio et en demeurant à l’écoute de toutes.

Shanelle McKenzie et Kim Knight

Shanelle McKenzie et Kim KnightInstagram @thevillij

Pour découvrir les expériences numériques de The Villij et soutenir ses activités et sa fondation, rendez-vous à thevillij.com ou sur la page Instagram @thevillij.

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