Denis, tu reviens d’une tournée à travers le monde où toi et ton équipe avez présenté Dune : deuxième partie. Le film est enfin entre les mains des cinéphiles. Est-ce que la pression retombe ?

En fait, la tournée n’est pas terminée parce que je repars vers la Chine dans 2 jours, mais je dirais que le fait de l’avoir présenté à la famille, aux amis, ici, c’est une expérience touchante. Ça me permet de partager le travail que Tanya et moi avons fait depuis plusieurs années avec les gens que j’aime. Montréal, c’est ma maison, c’est ma source, c’est mon terreau de créativité. Ça demeure chez moi. À chaque fois que j’ai fait des films et que je n’ai pas eu de première à Montréal, il y a toujours eu quelque chose qui me manquait.

Les critiques sont sorties et elles sont dithyrambiques. J’imagine que ça aussi enlève une autre pression.

Oui. (Rires) Quand on réalise un film, tu emmènes tout le monde dans un bateau et tu espères que le bateau ne va pas couler. Alors, que le film soit bien accueilli par la critique, c’est une bonne nouvelle… dans la mesure où on aimerait beaucoup que le projet trouve son public. Je crois beaucoup à l’expérience en salle, j’ai envie de me battre pour ça. J’espère générer un certain enthousiasme chez les cinéphiles.

Si on le compare au roman, je sais que tu as pris certaines libertés avec le film. Les fans de Dune sont des geeks, ils sont très assidus. Est-ce que tu crois qu’ils vont t’en tenir rigueur ?   

J’assume et je prends la totale responsabilité des décisions qui ont été prises sur le film. Quand tu adaptes, tu transformes ! Le livre prend sa force dans les détails, dans les descriptions et dans sa complexité. Les images ont un pouvoir que les mots n’ont pas, mais les mots ont un pouvoir que les images n’ont pas. Le film est un véhicule complètement différent de l’écriture. Mes décisions ont toutes été inspirées par l’auteur du livre Frank Herbert. Je savais exactement le message qu’il avait envie de transmettre avec les romans, donc mon adaptation, j’ose espérer, est beaucoup plus fidèle à Frank Herbert qu’au livre.

Je suis fascinée de voir qu’il y a beaucoup de jeunes qui s’intéressent à Dune. Lors de la première, j’ai entendu plusieurs fois la phrase, « On aime Denis Villeneuve. On adore le cinéma qu’il fait, on admire son parcours à l’international ». Je trouve que c’est extrêmement positif pour l’avenir du cinéma.

C’est la meilleure nouvelle au monde. Pas juste pour moi, mais pour l’ensemble de l’industrie. C’est génial que des cinéastes commencent à susciter de l’intérêt chez un public plus jeune parce que c’est la jeunesse qui représente l’avenir du cinéma.

Dune, Warner Bros. Pictures

Timothée Chalamet tient le rôle-titre de Paul Atreïdes pour une deuxième fois. Il parle très bien français, est-ce que vous parliez français ensemble sur le plateau de tournage ?

Beaucoup ! Il y avait une proximité et une intimité qui se sont développées par le biais de la langue. De pouvoir communiquer rapidement comme ça dans un univers anglophone, en toute intimité, devant tout le monde, c’était comme notre langage secret. J’ai adoré ça !

Il était beaucoup plus jeune quand vous avez tourné le premier volet de Dune. Tu l’as vu grandir de quelle façon entre le premier et le deuxième tournage de Dune ?

Lors du premier film, il y avait à peine 23 ans. Il avait déjà de l’expérience comme acteur, un talent immense, mais ça demeurait quand même un acteur qui n’avait jamais été sur une production de cette ampleur-là. Il a appris plusieurs choses. Par exemple, comment protéger sa concentration et son espace créatif à travers cette grosse machine-là.

Quand il est arrivé sur le 2e film, à 28 ans, il était beaucoup plus enraciné, beaucoup plus solide. Il avait développé ses techniques pour savoir évoluer dans l’espace d’un plateau. Il est devenu un leader. C’est important que l’acteur principal donne le ton. Si c’est quelqu’un de bienveillant et accueillant, ça crée toute une dynamique sur le plateau.

Tu as remarqué ça au travers de tes expériences ?

Évidemment ! Juste avec la façon dont Timothée est allé spontanément vers Austin Butler au début du tournage et qu’il était déjà ami avec Florence Pugh. Il s’est rapidement créé un sentiment de communauté entre les acteurs. Je sais qu’au centre, le noyau c’était Timothée. Il a laissé de l’espace aux autres, il n’a pas essayé de jouer de l’égo. Il n’a pas essayé de briller plus que les autres. Il les a accueillis pour créer une gang. C’est ça la marque d’un leader.

Lorsqu’on regardait les images de votre tournée mondiale sur Instagram, les quatre acteurs ensemble avaient l’air des Beatles. Austin Butler, Timothée, Zendaya et Florence Pugh, et toi, tu avais l’air de George Martin en arrière. (Rires) C’est fou la popularité qu’ils ont. Ça doit faire la promotion du film?

(Rires) Ce n’est pas un hasard qu’on ait attendu la fin de la grève des acteurs pour lancer le film. J’ai eu »le cul bordé de nouilles », comme on dit en bon français. J’ai été chanceux de donner ces rôles à de jeunes acteurs qui les uns après les autres se sont mis à exploser dans la sphère médiatique. Ils sont devenus des stars qui attirent les regards. Leur célébrité s’amplifie à chaque jour qui passe et c’est une bonne chose pour le film.

Dune, Warner Bros. Pictures

Si on compare Dune, première partie à la deuxième partie. Qu’est-ce qui a changé ?

C’était plus compliqué sur le plan technique. Le premier film avait peut-être une seule scène qui était un défi technique, mais dans la deuxième partie, il y avait au moins six ou sept scènes qui nous demandaient de la recherche et du développement. Il a fallu qu’on se dépasse toute la gang pour réussir. Je ne voulais pas faire de compromis et j’étais entouré de gens qui ne voulaient pas faire de compromis non plus. Ça a créé des casse-têtes dans l’horaire de tournage et ça a demandé beaucoup de concentration.

Comme la scène où Timothée Chalamet chevauche un vers des sables ? 

C’est l’une des scènes les plus techniquement compliquées que j’ai faites de ma vie et c’est une scène clé dans le film. Je savais que si je ne réussissais pas cette scène-là, il n’y avait pas de film. On parle de mois de travail. Il y a des parties de la scène qui sont tournées à différents endroits dans le monde. Donc ça a été un travail technique exaltant, épuisant, mais extrêmement ludique.

Et parlons de l’équipe que tu formes avec Tanya Lapointe, ta conjointe. Êtes-vous plus facilement opérationnels ensemble comme ça ?

Je n’aurais pas été capable de faire les deux films sans elle. Elle était au centre même des décisions et des opérations. Elle a su gagner la confiance des studios extrêmement rapidement puis tailler sa place. C’est une productrice respectée maintenant à Los Angeles. En plus, elle est passée derrière la caméra, c’est-à-dire qu’elle réalisait sur une seconde unité de tournage pour m’aider parce qu’il fallait que je sois à deux places au même moment. Je ne voulais pas faire de compromis, j’avais besoin de gens pour superviser ces scènes afin qu’elles avancent au même rythme. Tanya m’a aidé à faire ça. Ça a été très émouvant pour moi de développer une complicité de création avec la femme que j’aime. Une des plus belles choses dans ma vie de cinéaste.

Dune, deuxième partie est à l’affiche maintenant.

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