Vanessa, treize ans, entame une relation amoureuse avec l’auteur vedette Gabriel Matzneff, cinquante ans. Telle une araignée qui tisse sa toile, Gabriel jette son emprise sur la fillette en l’isolant de sa famille, de ses camarades ainsi que d’une vie normale d’adolescente. Relations sexuelles explicites, manipulation, destruction, Vanessa réalise tranquillement que Matzneff n’est nul autre qu’un prédateur sexuel en recherche constante de jeunes victimes.

Le Consentement a obtenu un succès fou dans l’hexagone, en plus de devenir un phénomène viral sur TikTok. Il laisse un goût amer en bouche quand on pense au silence complaisant et à l’aveuglement d’un milieu intellectuel admiratif de l’auteur.

La réalisatrice Vanessa Filho signe une version cinématographique convaincante et dirige en toute justesse Jean-Paul Rouvre dans le rôle de Maztneff et Kim Higelin en Vanessa Springora.

À noter, un bref passage de la regrettée Denise Bombardier, seule personne à avoir dénoncé publiquement le comportement de Maztneff à la télévision dans les années 90 lors de l’émission de Bernard Pivot, Apostrophe.

Julie Trannoy

Rencontre avec la réalisatrice Vanessa Filho et l’actrice Kim Higelin.

Vanessa, qu’est-ce qui vous a donné envie de transposer le livre de Vanessa Springora au grand écran ?

Vanessa Filho : La découverte de ce livre a été un vrai choc émotionnel. J’ai tout de suite été animée par le désir, par l’urgence de transposer ce livre en film. J’ai aussi été envahie par un fort sentiment de colère et d’impuissance. Je pense qu’aujourd’hui, c’était vraiment important de transposer ce film à l’écran parce qu’on avait ce désir de continuer le combat initié par Vanessa Springora. Libérer sa parole.

Kim, quand on vous a proposé de tenir le rôle de Vanessa Springora, comment avez-vous réagi ?

Kim Higelin : Ça a été une émotion folle parce que j’ai lu son livre et ça m’a radicalement changée. Elle m’a rendue tellement courageuse. J’ai eu ce besoin absolu et ce désir de l’incarner.

Vanessa : Quand on a vu Kim en casting, ça a été tout de suite une évidence, dès les premiers essais. Kim a vraiment une empathie extrêmement profonde et il fallait cette empathie absolue pour incarner ce personnage. Ce qui lui a permis de plonger dans un état de vulnérabilité et d’inexpérience afin de questionner le consentement à travers ce film. Kim est bouleversante d’émotion. C’était pour moi très important parce que c’est un film qui est justement guidé par l’émotion. Kim est la personne qui m’a parlé avec la plus grande justesse du personnage, comme si elle l’avait complètement saisie.

Kim, vous avez rencontré Vanessa Springora ?

Kim : Oui.

Comment avez-vous vécu cette rencontre ?

Kim : J’avais une forme d’appréhension parce que j’avais peur de ne pas être à la hauteur. Soudainement, en la voyant, c’est devenu une évidence merveilleuse, un moment magique. Je trouve que c’est une femme forte, d’une grâce et d’un courage.

Elle vous a donné une certaine bénédiction pour l’incarner ? Une liberté ?

Kim : Oui, je crois.

Julie Trannoy

J’ai cru comprendre que Jean-Paul Rouve qui incarne le personnage de Gabriel Matzneff a eu du mal à le jouer pendant le tournage ?

Vanessa : Oui. Il a fallu qu’il aille très loin dans ce personnage assez complexe. Évidemment, nous avions nourri une relation de confiance entre lui et Kim qui était plus âgée que le personnage (elle avait 22 ans et le personnage évolue de 13 à 18 ans). Cependant, Jean-Paul a dû aussi tourner des scènes avec de jeunes figurantes, réellement âgées de 14 et 15, encore des enfants. Ces scènes ont fait surgir chez lui une vérité, une conscience de la réalité. Gabriel Matzneff était un prédateur psychologique, littéraire et sexuel. Il a véritablement volé l’innocence de cette jeune fille.

Comment avez-vous travaillé les scènes à caractères sexuels entre Kim et Jean-Paul ?

Kim : On s’est rencontré très tôt et on est devenu assez proche, assez pour pouvoir arriver sur le plateau sans appréhension. On a évidemment beaucoup discuté en amont. On a découpé les scènes au millimètre près grâce à Vanessa qui est d’une précision, mais folle. C’était comme une chorégraphie. Il n’y avait plus aucune gêne. On pouvait arriver sur le plateau complètement libre et très à l’aise.

Vanessa, vous avez intégré une scène dans votre film où on voit Denise Bombardier. Vous avez tenu à placer le vrai moment de télévision qui s’est déroulée dans les années 90 à l’émission Apostrophe. Pourquoi c’était nécessaire ?

Vanessa : C’était primordial de rendre hommage à cette femme. Elle a permis à beaucoup de gens de prendre conscience de ce qui s’est passé dans les années 80 en France. C’est une époque qui a fait beaucoup de dégâts. Au nom de quoi ? De la permissivité, de la transgression dans cette élite littéraire et artistique ?

Nous avons rencontré beaucoup de victimes d’abus sexuels qui nous ont parlé de cette émission qui montre aussi à quel point notre société en France a applaudi l’horreur. D’ailleurs on y voit Bernard Pivot qui glorifie Gabriel Matzneff pour sa pédocriminalité. La seule qui réagit, c’est Denise Bombardier. J’ai été heurtée de savoir qu’après son passage sur ce plateau télé, tout a été compliqué pour elle en France. On l’a maltraitée, alors que ce qu’elle a dit est d’une justesse et d’une humanité. Il fallait montrer son courage.

Justement, en France, le #Metoo a pris beaucoup plus de temps à se développer. On l’a vu dernièrement avec l’histoire de Depardieu, on l’a vu avec Gabriel Matzneff. Pensez-vous que la France va réussir à faire un grand ménage ?

Vanessa : Là, je crois qu’on est en plein dedans. Les paroles se libèrent en ce moment. Et il faut que cette liberté de la parole se propage partout.

Kim : On lit chaque jour de nouveaux témoignages et je pense qu’il est temps malgré tout que la justice avance, fasse un peu son travail. Que ça suive derrière et qu’il y ait de véritables condamnations. Un sentiment de justice total et profond pour éviter que ça se reproduise et pour éviter que ce soit constant, voilà !

Le Consentement de Vanessa Filho. En salle le 23 février 

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