Vous vous brossez les dents. Votre application vous félicite. «Parfaitement propres!» Votre sonnette, intelligente elle aussi, laisse entendre un bruit. Vos capsules de café viennent de vous être livrées. Votre machine, sur le point d’en manquer, en a commandé pour vous. Pendant ce temps, votre robot domestique numéro un s’applique à nettoyer les coins poussiéreux de votre sous-sol. Le second, à l’extérieur, taille élégamment votre gazon. Pas besoin de vous inquiéter pour le chat. Son distributeur automatique lui a servi la quantité de croquettes recommandée.

Vous n’habitez pas une maison, vous vivez une expérience. Mais justement, dans notre maison, est-ce qu’on rêve d’évoluer dans un tel environnement hypersensoriel interactif ou est-ce qu’on souhaite simplement avoir la paix? C’est la question qu’Ygal Bendavid se pose. Spécialisé dans l’internet des objets, le professeur au Département de management et technologie de l’ESG-UQAM travaille depuis des années sur les environnements connectés. C’est d’ailleurs le mot clé qu’il utilise pour définir la maison du futur: «hyperconnectée».

Pour «technicuriens» seulement?

Car les avancées technologiques nous arrivent à un rythme effréné. Le scénario décrit dans l’introduction est de plus en plus commun. Dans les demeures très cossues, ces technologies font partie du quotidien. La plupart nécessite encore la touche humaine: les cuisinières connectées au wi-fi offrant à la fois la cuisson par induction, au gaz et sous vide, par exemple. Que décrit avec passion Pierre Renaud, ambassadeur pour la marque Signature Kitchen Suite. Vous devez préparer un souper pour vos amis, des foodies confirmés? Facile, dit-il. «Sur le moniteur, vous choisissez la recette, vous sélectionnez l’appareil à utiliser (four, cuisinière, etc.) et vous appuyez sur le bouton de mise en marche. Tout est alors calculé pour vous: le temps de cuisson, la température, etc.»

Et puisqu’il fait beau, vous en profitez pour aller boire un verre, tranquillement, sur la terrasse avec les copains. Mais avant, vous tapez dans la fenêtre de votre cellier, aux vibrations réduites par un compresseur linéaire. La lumière s’allume et révèle vos 150 bouteilles au frais. Pas besoin d’ouvrir la porte et de fouiller dans les rangées. Vous risqueriez ainsi d’altérer votre sélection raffinée. Pas besoin non plus de vous creuser la tête pour trouver l’accord parfait. L’application intégrée vous suggère quel cru déboucher pour mieux accompagner votre plat. Un sommelier personnel destiné aux «technicuriens».

Très bientôt, pourtant, ces technologies seront offertes à tous. Démocratisées. Et dans la maison du futur avancé, il n’y aura plus de boutons sur lesquels appuyer. Les objets liront leur environnement. Votre toilette intelligente pourra évaluer votre état de santé. Même vous réprimander. «Vous avez exagéré sur les cocktails hier. Il faudrait boire un peu moins de thé.» En ouvrant votre placard, vous saurez exactement quoi porter. Si vous agrippez un débardeur léger par temps frisquet, une notification apparaîtra sur la porte. «Habille-toi plus chaudement!» (car la maison intelligente tend à tutoyer – et à être parfaitement au courant de la météo). Ne vous inquiétez pas, toutefois, si vous ronflez durant la nuit. Votre tête de lit s’ajustera au son.

Et la vie privée dans tout cela? Et la sécurité? Voilà deux points qui inquiètent Ygal Bendavid. Toutes ces données transférées, qui peuvent être piratées. Le professeur souligne qu’il y a aussi un débat sociologique en vue: «Cette multi-interactivité fait-elle qu’on est, justement, de plus en plus connectés ou, au contraire, de plus en plus déconnectés?»

Le professeur rappelle toutefois un point hautement positif. «La maison du futur, c’est aussi celle des personnes vieillissantes. Une population grandissante, qui aura davantage besoin de soins.» Dans ce lieu, des applications vérifieront si ses habitants âgés ont bien pris leurs médicaments. Elles évalueront leur pression sanguine. Analyseront leur taux du cholestérol. Leur accorderont de l’attention.

Attention, d’ailleurs: la maison du futur, c’est presque maintenant.