Lilianne, 55 ans, est du nombre. «Les rides, ce n’est pas si mal», confie- t-elle. Cette jeune grand-mère s’en tient à un maquillage discret – un trait de crayon, du rouge à lèvres – et à sa crème hydratante. Rien de plus.

Genèse d’une tendance

En dépit des apparences, l’obsession de l’éternelle jeunesse n’est pas propre au 21e siècle. La tyrannie du paraître imprégnait déjà les croyances il y a des centaines, voire des milliers d’années. Bien avant Instagram ou la télé en HD!

Dans la mythologie romaine, par exemple, la déesse Junon se baigne chaque année dans la fontaine de Jouvence, réputée pour ses vertus régénératrices. Il n’y a pas si longtemps encore, au siècle dernier, l’épouse modèle attendait que son mari soit endormi pour se démaquiller, appliquer son cold cream en couche épaisse et installer ses bigoudis, puis se levait aux aurores afin de paraître fraîche et dispose au réveil de son homme.

«C’est comme si le malaise et la pression étaient déjà là, mais qu’ils ont été amplifiés par les médias sociaux, fait remarquer la psychologue Stéphanie Léonard. On vit à une époque où il n’y a jamais eu autant de moyens pour atteindre les critères de beauté [dictés par la société] et où le taux d’insatisfaction corporelle n’a jamais été aussi élevé.»

De l’autre côté du miroir

Il y a quand même quelque chose de contradictoire dans le fait que le recours aux interventions – effractives ou pas – connaisse un essor sans précédent, et ce, auprès de patientes de tous les âges, alors que l’espérance de vie s’allonge. Au Canada, l’espérance de vie est aujourd’hui de plus de 84 ans chez les femmes.

«Pour les gens en général, la femme qui vieillit, qui refuse de camoufler les signes de l’âge par des injections de Botox et qui ne se maquille pas beaucoup passe pour une femme qui se néglige», se désole l’esthéticienne et femme d’affaires Jennifer Brodeur, alias JB Skin Guru. «Je pense que c’est là qu’il faut changer le discours: vieillir est un privilège et, si on a la chance d’avoir des rides, c’est parce qu’on est encore en vie.» Jennifer Brodeur cite en exemple l’ex-première dame américaine Michelle Obama, quinquagénaire «inspirante» qui embrasse son âge sans complexe. «Oui, elle prend soin d’elle en s’entraînant et en mangeant bien, mais ça ne va pas plus loin», raconte-t-elle à propos de son illustre cliente.

De son côté, Lilianne n’a vraisemblablement pas peur de vieillir, et dit prendre pour modèles sa mère et sa belle-mère, deux forces de la nature qui accueillent de belle façon les années qui passent. Sereinement. «Dans notre famille, on accepte de vieillir positivement et on célèbre l’expérience.»

Cinquante nuances de blanc

La journaliste française Sophie Fontanel a documenté – d’abord sur Instagram, puis dans son roman Une apparition – sa transition vers une chevelure naturellement poivre et sel. Une vraie libération de la tyrannie des teintures, que la romancière a qualifiée elle-même de «quête de vérité» dans un entretien publié dans le ELLE France. «C’est une nudité qui oblige à être soi, sans tricher.» Parce qu’accepter nos cheveux blancs et briser le tabou, c’est carrément accepter de vieillir en beauté. Et si elle a en quelque sorte pavé la voie en racontant publiquement son cheminement, d’autres femmes n’hésitent plus à se passer de coloration.

Elles affichent aussi leurs cheveux blancs sans complexe dans les médias sociaux:

Sarah Harris

Sarah Harris Instagram @sarahharris

Rédactrice en chef adjointe du Vogue britannique

Grece Ghanem

Grece Ghanem Instagram @greceghanem

Influenceuse montréalaise

Lyn Slater

Lyn Slater Instagram @iconaccidental

Blogueuse et influenceuse

Daphne Selfe

Daphne Selfe Instagram @daphneselfe

À plus de 90 ans, elle serait la mannequin professionnelle la plus âgée du monde

Quelques chiffres

+ 83 % des répondants à un sondage international voient les interventions esthétiques d’un bon œil et jugent que les injections sont socialement acceptables.

+ Les femmes subissent la plus grande proportion des interventions recensées par les chirurgiens plastiques dans le monde, ce qui représente 87,4 % du lot du sondage (20 330 465 interventions en 2018 uniquement).

+ Le nombre total d’interventions chirurgicales (augmentations mammaires et liposuccions, par exemple) et non chirurgicales (comme les injections) ont connu une croissance de 5,4 % entre 2017 et 2018.

+ Les injections de neuromodulateurs (comme le Botox) remportent la palme de l’intervention esthétique la plus prisée depuis 1999, toutes nationalités et tranches d’âge confondues, et elles continuent à gagner en popularité – un bond de 17,4% a été enregistré de 2017 à 2018.

Sources: Rapport Allergan 360o Aesthetics et International Society of Aesthetic Plastic Surgery (isaps)

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