1. La création/le projet/le maquillage/le dossier dont tu es le plus fier?
Ma rencontre avec Olivier Échaudemaison, le directeur artistique de la maison Guerlain, marque un tournant dans ma carrière. Après avoir été mannequin puis maquilleur à New York, je suis revenu à la maison et j’ai été couronné du titre d’artiste maquilleur canadien de l’année en 2010. Olivier m’a aussitôt proposé de le rejoindre dans l’équipe internationale de Guerlain, à Paris. Il m’a témoigné toute sa confiance et m’a envoyé dans près de 60 pays pour transmettre le savoir-faire Guerlain aux consommatrices. Au contact d’Olivier Échaudemaison, qui a lui-même travaillé avec tout un tas de personnalités publiques (de l’impératrice Farah d’Iran à Elizabeth Taylor, en passant par Sophia Loren et la mannequin russe Natalia Vodianova), j’ai infiltré un milieu d’ordinaire très peu accessible. Et c’est là une chance inouïe que bien peu de gens peuvent se targuer d’avoir eue. Je peux aussi dire que mon expérience, en coulisses des Fashion Weeks de New York, Paris et Londres, a contribué à accroître ma créativité et à faire de moi un maquilleur plus polyvalent.

2. Quand as-tu su que tu ferais le métier d’artiste maquilleur?
Mon plan de carrière a été dicté par le hasard. À 15 ans, j’ai été repéré dans la rue et, à 16, on m’a proposé du boulot comme mannequin, à New York. Je parlais très mal l’anglais, alors je me suis lié d’amitié avec une maquilleuse québécoise qui travaillait là-bas et qui me servait d’interprète lors des shootings. Elle a été, en quelque sorte, ma maman d’adoption et m’a pris sous son aile. En marge de mes contrats de mannequinat, je la regardais toujours travailler et ses coups de pinceau me fascinaient. Puis, un soir – au beau milieu de la nuit, en fait -, elle m’a téléphoné en catastrophe: son assistant venait tout juste de se désister et elle m’a tout bonnement proposé de le remplacer. Je me suis exécuté au pied levé et j’ai rapidement pris goût au métier de maquilleur, que j’ai appris sur le tas. De retour au Québec, j’ai peaufiné mon art et étayé mon carnet de contacts grâce à mon ami Eddie Malter, directeur artistique nord-américain pour L’Oréal Paris. Je n’ai jamais étudié le maquillage à proprement parler, mais j’ai assisté quantité d’experts et, à mon sens, c’est la meilleure école qui soit. Pour peu qu’on ait la chance, comme moi, de tomber sur des mentors généreux et dévoués.

3. Ta tendance beauté préférée cette saison?
J’applaudis le retour du hâle. On a longtemps plébiscité le teint zéro défaut. C’est bien beau, mais comme trop peu de gens ont une peau parfaite, pour le réussir, on doit abuser des fards et des poudres, ce qui nous donne l’air très apprêté. Le maquillage bronzant nous permet d’embrasser un courant cosmétique plus naturel, qui nous dévoile sous un meilleur jour en nous donnant un joli teint santé. Grâce à lui, on sort enfin du règne du contouring très travaillé: les traits sont moins marqués et moins sévères. Un soupçon de poudre bronzante comme la Terracotta, de Guerlain, permet d’embellir et de rehausser le naturel. On sort donc enfin du règne de la correction par la couleur.

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Autrement, j’aime aussi beaucoup le courant qui met à l’honneur l’eye-liner, sous forme de trait épais. C’est classique et à la portée de toutes les femmes. J’ai, bien entendu, un faible pour le ligneur brun ou noir, mais en kaki, en mauve ou en bleu, il est aussi fort flatteur. Sur un contour des yeux très défini et contrasté, je préfère utiliser un feutre pour ciseler encore plus le regard. Autrement, le crayon convient davantage, car le tracé est alors plus flou, plus doux, plus avantageux.

4. Quel conseil donnerais-tu à la jeune fille ou au garçon qui souhaiterait faire ce métier?
J’encourage les apprentis maquilleurs à demeurer ouverts d’esprit en toute situation, et à rester sans cesse curieux d’apprendre. Je leur dirais aussi qu’il faut vouloir travailler fort, se retrousser les manches, garder l’œil ouvert sur tout ce qui nous entoure et plancher sur toutes sortes de projets qui permettent d’exacerber la créativité. En aucun cas on ne gagne à se fermer des portes. Quand on travaille tant sur le terrain avec les gens «ordinaires» que dans le milieu de la mode avec les mannequins et celui de la télé avec les célébrités, on apprend une foule de choses et on rencontre quantité de gens intéressants.

5. Quelle est ta devise en affaire?
S’il y a une chose dont je suis persuadé, c’est celle-ci: il faut être gentil avec les gens qu’on côtoie, et ce, en tout temps. Mon credo est donc «Be quick to praise and slow to criticize» ou, si vous préférez, «complimentez davantage que vous ne critiquez». Car le maquillage et la coiffure, c’est de l’art. Et l’art, ne touche pas tous les gens de la même façon. Inutile, donc, de le critiquer. Positivons!

J’ajouterais même que quand on cherche le bon chez les autres, on attire la bonté. Beaucoup de gens croient – à tort – que le milieu de la mode est dur, fermé et faux. Il s’y trouve bien sûr différents personnages hauts en couleur, mais, pour peu qu’on perce leur carapace, on se rend vite compte que ces gens sont avant tout travaillants et aimables. Car pour travailler dans le milieu de la beauté, il faut aimer fondamentalement les gens et être animé par un désir profond: celui d’améliorer leur vision d’eux-mêmes, d’accroître leur confiance en eux. Je trouve même que le maquillage a une visée thérapeutique. Ça va bien au-delà de la superficialité qu’on lui accole d’emblée.

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