Il était 8 h 15 un matin de juin; j’étais à vélo, en direction du bureau. Je me suis arrêtée à un feu rouge, mais comme la rue perpendiculaire était fermée pour cause de réfection et que j’étais un peu pressée (comme toujours!), j’ai décidé de doubler les vélos en attente et de traverser quand même. Tout d’un coup, je reçois un coup de guidon d’un homme, aussi à vélo, qui me dépasse par la gauche. Je réussis à conserver mon équilibre – et à ne pas tomber –, mais je fais un méchant saut. À l’arrêt suivant, je m’approche du cycliste et lui demande si ce qui vient de se passer est un accident ou si son geste était volontaire. Il me répond sur un ton agressif: «Pis toé, as-tu fait exprès de passer sur la rouge?»

C’était un jour de pluie; je me stationnais en parallèle sur la rue Notre-Dame, devant la construction d’une mégatour de bureaux. J’ai à peine effleuré le cône orange qui sert de gardien de parking aux travailleurs sur le chantier. Un homme s’avance vers ma voiture et cogne brutalement à ma fenêtre. J’ouvre, et il se met à me hurler dessus. «Eille, ostie, t’as pas vu le cône orange, crisse!»

C’était un après-midi de semaine; il y avait un tas de monde devant chez moi à cause des arbres tombés après un orage. Les gens du Service des travaux publics, les employés d’Hydro-Québec, ceux d’une compagnie d’émondage. J’observe la scène de mon balcon avant. Un homme s’avance pour uriner sur le bord de MA maison. Sur MON terrain. Je l’intercepte: «Pardon, qu’est-ce que vous faites?» Il me répond: «Juste un petit pipi, madame.» Je lui demande d’aller au commerce du coin ou dans une toilette chimique, tout près. «Maudite snob», qu’il me crie.

L’autre midi, quand j’ai raconté ces histoires aux filles du bureau, elles avaient toutes vécu des expériences de ce genre: au garage, dans la rue, avec un voisin, quand elles rénovaient leur appartement, chez le notaire – qui, d’ailleurs, s’adressait uniquement à leur conjoint, même dans les cas où ELLES achetaient la maison. Tout ça, c’est du sexisme ordinaire. Ce sont des hommes qui se permettent de nous traiter en p’tite madame seulement parce qu’ils le peuvent. Ils ne craignent pas l’escalade verbale ou physique et ils jouent sur notre peur: de déranger, d’être intimidées davantage, de nous fâcher pour de vrai. Et ça m’irrite au plus haut point.

La question est millénaire, mais quand même «et si j’étais un homme?»

Est-ce que j’aurais à subir l’égo, la rage, l’impolitesse et le manque de respect de mes pairs? Personnellement, j’en doute. Vous, qu’en pensez-vous?

J’attends vos réponses sur Instagram.

ELLE Québec - Septembre 2022

ELLE Québec - Septembre 2022Royal Gilbert

Photographie Royal Gilbert. Direction de création et stylisme Olivia Leblanc. Graphiste senior Samantha Puth. Coiffure et maquillage Ronnie Tremblay (Folio, avec les produits de maquillage Dior Beauty et les produits pour la coiffure Oribe). Décor Studio TB. Production Pénélope Lemay. Assistants à la photographie Pascal Fréchette et Calvin Cesar. Assistantes au stylisme Marik Thexton, Bernie Gracieuse et Sandrine Cormier.

Le numéro de septembre d’ELLE Québec est offert en kiosque, en abonnement et en version numérique.

Photo: Andréanne Gauthier
Stylisme: Laura Malisan
Mise en beauté: Virginie Vandelac
Vêtements: pull (Theory, chez Holt Renfrew), jean et bijoux: personnels

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