«Quand on a décidé de reprendre le flambeau de notre projet artistique, dit Stéphanie, on n’avait pas le choix de remanier certaines choses à l’intérieur de nous. On avait déjà chanté La mort des étoiles [titre de l’album précédent]; on avait donc déjà dit qu’il n’y avait plus d’espoir… Avec Échapper à la nuit, on ne fait pas fi du négatif, mais on décide plutôt de le nommer, de le reconnaître et de l’embrasser.»

«On est allées piger dans notre enfance, encore une fois, précise Mélanie. Le bassin où puiser l’inspiration pour cette période est intarissable. Pour décider de regarder le beau devant soi, on devait être honnêtes par rapport à certaines choses de notre passé.»

Et pour nommer les choses, Les sœurs Boulay ne se gênent plus. À commencer par la pièce Comme si, qui dévoile un climat familial toxique. «Cette chanson a été à la fois la plus facile et la plus difficile à écrire, se rappelle la cadette. Quand on décide d’aller dans des zones comme celles-là, il y a des répercussions sur des gens qui, eux, n’ont pas choisi que leur vie soit exposée de façon aussi crue. Mais en même temps, notre passé nous habite profondément et il teinte les artistes que nous sommes jusqu’au fond de nous. Cela dit, je redoute beaucoup de parler davantage de Comme si, car ce que je suis à l’aise de dévoiler sur le sujet, on l’a déjà mis dans la chanson.» 

«Tu aimerais qu’on fasse comme si Mais comment voudrais-tu que j’oublie La violence et les cris De mon enfance jusqu’à aujourd’hui »

Voilà une partie du refrain de cette pièce poignante dont elles ont peine à parler. «Étant donné qu’on est deux sœurs de la Gaspésie et qu’on joue de la musique ensemble, le cliché selon lequel on devait faire des gros partys de musique à Noël, où on poussait la note en famille, revenait toujours dans les entrevues, mais ce n’était pas le cas, avoue Mélanie. On a toujours été mal à l’aise devant ce genre d’idées préconçues sur nous, et on ne savait pas comment s’en sortir. Tu sais, on ne choisit pas la famille dans laquelle on vient au monde, et le résultat n’est pas toujours joyeux.»

«Ce n’est pas la première fois qu’on écrit une toune et qu’on ne veut plus tant en parler après, renchérit Stéphanie. Mais en même temps, on compose de la musique pour faire du bien aux gens. Ma quête, quand je crée une œuvre, c’est que quelqu’un la reçoive et se sente compris en l’écoutant. C’est mon seul but artistique. Et c’est pourquoi, malgré l’inconfort que ça nous cause, on se lance pareil. On n’a jamais été aussi claires et honnêtes que sur cet album.»

Même si je suis derrière mon écran, je comprends très bien que cette honnêteté leur fout la trouille. Alors, doit-on avoir peur quand on crée? Est-ce le moteur de prédilection? «Les œuvres qui sont effrayantes à livrer, c’est certainement les meilleures œuvres, confirme l’aînée du duo. Les zones les plus intéressantes à explorer, ce sont celles où il y a un risque, de la peur, de la fragilité. Dire des choses qui ne sont pas inavouables, c’est du vent, pour moi. Des fois, il y a des choses qui, sans qu’elles soient de la plus haute importance, valent la peine d’être créées, mais les plus grandes œuvres découlent des sentiments les plus honteux, les plus effrayants.»

«Parce que sinon, on verse dans le confort; pis ça, c’est ce qui tue le plus la créativité», conclut Mélanie. 

Briser le silence avec Les sœurs Boulay

Échapper à la nuit, offert sur toutes les plateformes d’écoute en continu dès le 21 octobre.

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