Pourquoi avoir décidé d’écrire un livre contre les diètes?

Ça faisait longtemps que l’idée me trottait dans la tête. J’ai plus de 20 ans d’expérience clinique, et je trouvais qu’on ne parlait pas assez de notre relation avec la nourriture et avec notre corps – de la culture des diètes, dans laquelle j’ai grandi comme nombre d’entre nous.

Tu révèles que 73 % des Québécoises veulent maigrir, même si leur poids est normal, et que 45 % suivent deux régimes par année. C’est inquiétant.

Oui, la culture des diètes a envahi toute la société. Des études montrent que chez les fillettes, les premières inquiétudes liées au poids se manifestent vers quatre ans. Des nouvelles mamans consultent parce qu’elles ne veulent plus transmettre ce type de culture à leurs enfants. Ce n’est pas normal qu’on passe notre vie à vouloir maigrir, rapetisser notre corps. Sans compter toute cette énergie qu’on dépense à se critiquer les unes les autres… L’industrie de l’amaigrissement essaie de nous faire croire que si on reprend le poids perdu, c’est qu’on a fait quelque chose de mal, qu’on n’a pas de volonté. Elle culpabilise les gens, alors que c’est plutôt la méthode qui ne fonctionne pas!

Tu n’aimes pas la notion d’aliments santé. Pourquoi?

Parce qu’il n’y a pas deux catégories d’aliments: les bons et les mauvais. Certains sont plus nutritifs que d’autres, voilà tout. Dire qu’un aliment est mauvais, c’est le rendre attirant. Mais si une personne «cède» à cet aliment, son estime d’elle-même en prend un coup. Et si elle s’en prive, ça peut tourner à l’obsession. La notion de bon ou de mauvais est également variable: depuis l’arrivée du régime cétogène, certaines de mes clientes ont peur de manger des fruits…

Tu préfères l’alimentation intuitive. Peux-tu expliquer ce que c’est en quelques mots?

C’est une approche positive et bienveillante qui inclut 10 principes, comme celui d’honorer sa faim, de découvrir le plaisir de manger, de vivre ses émotions. Le but de cette alimentation est d’arrêter de toujours ramener la perte de poids à un indicateur de progrès. Elle prône une vision de santé globale, physique et mentale.

De la culture des diètes à l’alimentation intuitive — Réflexions pour manger en paix et apprécier ses cuisses, de Karine Gravel, Dt.P., Ph. D., KO Éditions, 25 $.

Tu nous apprends aussi que les calories ne sont pas toutes métabolisées de la même façon.

Eh non, on n’est pas des robots! Notre corps ne métabolise pas 100 % des calories provenant des aliments, et le pourcentage peut être différent d’une personne à l’autre. On dépense aussi plus d’énergie en absorbant les calories qui proviennent des protéines que celles qui proviennent des glucides. En plus, la loi autorise une marge de tolérance de 20 % quant au nombre de calories indiqué sur l’étiquetage. Donc, s’arrêter aux chiffres, aux pourcentages, à l’emballage, c’est rassurant, ça donne l’illusion qu’on a la situation en main, mais c’est trompeur.

Avoir un pèse-personne chez soi, c’est une bonne ou une mauvaise idée?

Si c’est pour se féliciter – ou se critiquer! – selon le chiffre qu’on lit sur la balance, absolument pas. C’est un peu l’objectif de mon livre: inciter les gens à dire du bien de leur corps. Et revenir au gros bon sens.

De la culture des diètes à l’alimentation intuitive — Réflexions pour manger en paix et apprécier ses cuisses, de Karine Gravel, Dt.P., Ph. D., KO Éditions (25 $).

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