À son réveil, tout est noir. Où est-elle? Que s’est-il passé? A-t-elle été victime d’un tremblement de terre? Est-elle coincée sous les décombres? Impossible pour elle de bouger. Étrange: impossible d’ouvrir les yeux non plus. Ni d’émettre le moindre son. Elle est prisonnière de son propre corps.

À 57 ans, elle se sait pourtant en santé… Elle se demande si elle n’est pas en train de faire un mauvais rêve. Elle est intubée, en fait, reliée à un respirateur, mais elle ne le sait pas. On l’a plongée dans un coma artificiel. Elle se souvient. Tout a commencé par un picotement au bout des doigts. Puis, une grosse migraine. Elle est entrée d’urgence à l’hôpital, où on lui a fait passer une batterie de tests.

Et maintenant, elle est là, immobile, impuissante, tandis que s’affairent autour d’elle les médecins, les infirmières, mais aussi son mari, sa fille, ses amis, qui tous, la croient inconsciente. «Comment les prévenir que je vais bien? Comment leur dire de ne pas s’inquiéter?» Elle entend tout. Et surtout, elle ressent tout. Personne ne le sait, mais elle a mal lorsqu’elle reçoit des traitements. La douleur est terrible quand on lui nettoie les sinus: «L’engin fourré dans ma bouche effectue des mouvements de va-et-vient; il me racle le fond de la langue. J’ai l’impression que l’on me sort les tripes.» Un autre jour, c’est une violente douleur à un sein qu’elle éprouve. Comme si on l’arrachait. Un médecin entouré d’internes, qui l’a choisie comme cobaye, dit: «Vous savez comment on peut s’assurer qu’une personne est vivante ou morte? Vous prenez un sein, comme ça, et vous le pincez en tirant d’un coup violent…»

 

À LIRE: L’héritage de Nelly Arcan

L’impression d’être livrée constamment à des séances de torture. Le désir de hurler de toutes ses forces sans qu’aucun son ne sorte. L’angoisse qui monte. Puis, la terreur, quand elle entend un médecin dire à son mari: «Il va falloir la débrancher. Plus rien ne fonctionne à part le coeur.» Cette expérience hallucinante, la Française Angèle Lieby l’a vécue. Elle la raconte dans un livre écrit en collaboration avec le journaliste Hervé de Chalendar, Une larme m’a sauvée (Les Éditions Transcontinental), vendu à plus de 100 000 exemplaires et traduit en plusieurs langues.

Le titre dit tout: c’est une larme versée alors que son mari et sa fille étaient près d’elle qui les a alertés. Elle est ensuite parvenue à bouger un doigt, et ainsi de suite. Elle a mis plusieurs mois avant de retrouver la mobilité de son corps. Syndrome de Bickerstaff: c’est le nom de cette maladie rare qui affecte le système nerveux mais qui, heureusement, est réversible.

Ce que le livre n’est pas: un plaidoyer contre l’euthanasie. Ce qu’il est: un témoignage bouleversant. Et inquiétant… Même si l’ouvrage s’étire un peu, s’il fournit des détails plus ou moins nécessaires, entre autres sur la réhabilitation de l’auteure, on est tétanisées par ce récit.

 

À LIRE: 

L’héritage de Nelly Arcan

Dans le bureau de Marie-Sissi Labrèche

Théâtre: Laurence Dauphinais dans Cinq visages pour Camille Brunelle