« Attention aux chevaux! Ils sont… imprévisibles », nous met en garde Marc Mirabel, président de la coopérative locale chargée de récolter la fleur du sureau (et plus tard, les petites baies rouge violacé de cet arbuste fruitier) dans les terres fertiles de l’Ardèche, en plein cœur des monts du même nom, au sud-est de la France.

C’est que le sureau noir, le sambucus negra, pousse à l’état sauvage – il n’est pas cultivé – un peu partout dans la région. Il a élu domicile en abondance dans ce centre équestre de Saint-Didier-sous-Aubenas; les chevaux se réfugient sous ses branches touffues pour y chercher de l’ombre et se mettre à l’abri des moustiques.

Ryan Bolton

Hymne au printemps 

On est début mai. Le soleil est plombant et aucun nuage ne vient obstruer le ciel bleu azur. La météo est à la fête, tout comme l’équipe de St-Germain, qui célèbre ce matin le début de la récolte annuelle de la fleur de sureau. Pour elle, la saison de la floraison des sureaux est un moment magique, crucial, puisque les fleurs blanches, précieuse matière première de la fabrication de la liqueur française, sont prêtes à être cueillies.

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« Le printemps, c’est tout pour St-Germain », insiste Franck Dedieu, ambassadeur de la marque, l’enthousiasme dans la voix. Ces « vendanges florales » s’échelonneront sur quatre à six semaines : le travail démarre dans la plaine, où il fait plus chaud (donc les arbres fleurissent plus tôt), et s’achève à presque 1000 mètres d’altitude, dans les montagnes, vers la mi-juin. On parle d’une « floraison étagée ». Pour la portion française de la récolte (le reste du butin provient d’Europe de l’Est, notamment de la Hongrie et de la Croatie), tout se joue pendant ces courtes semaines.

Afin de nous initier à la cueillette (manuelle, toujours) de ces ombelles blanches, Franck secoue délicatement une branche. Une petite nuée de pollen jaune qui tache les doigts s’échappe dans l’air. C’est le signe que les fleurs sont arrivées au stade de maturité recherché. Il faut les ramasser sans attendre, car elles sont au summum de leur fraîcheur. Plus tard, des baies rondes comme des bleuets feront leur apparition… et des merveilles en confitures! « Elles sont délicieuses, mais moins utiles pour nous! » blague Franck.

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La quintessence des fleurs 

On vient de donner le coup d’envoi d’une véritable course contre la montre. « Il y a bel et bien une urgence, nous explique Eric Tourrain, le maître-liquoriste et œnologue de formation qui nous accompagne sur le terrain. Il faut traiter la fleur de sureau dans les dix heures qui suivent sa cueillette, sinon elle s’oxyde et elle perd en saveur. »

Ce faisant, la transformation des fleurs fraîches commence traditionnellement dans un lieu situé à proximité de celui de la collecte afin qu’un maximum d’arôme puisse être préservé. Dans notre cas, c’est dans le décor pittoresque du Château Clément, perché au sommet d’une route taillée en lacets dans la commune de Vals-les-Bains (réputée pour ses thermes qui avaient des adeptes jusqu’à la cour des rois de France), qu’aura lieu l’étape de la macération. Converti en hôtel de luxe, ce château fait office de camp de base pour l’équipe de St-Germain pendant toute la durée de la récolte.

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Ainsi, Eric nous explique qu’on détache les fleurs des tiges pour ne garder que les minuscules pétales et étamines, où sont concentrées les huiles essentielles. On plonge ensuite les végétaux dans des cuves qui contiennent de l’eau chauffée à 55 °C, une température idéale qui permet d’extraire le parfum des fleurs sans les cuire ni les brûler. Après une heure d’infusion, ce jus doré (cette belle couleur provient du pollen) et étonnamment acidulé est filtré, puis congelé, avant de prendre la direction de Fécamp, en Normandie, où il sera transformé en liqueur. Pour l’anecdote, chaque bouteille de St-Germain contiendrait jusqu’à 1000 fleurs de sureau.

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À l’usine de fabrication, on ajoute ensuite du sucre, de l’alcool neutre et « un chouia de brandy » pour donner de la texture et de la rondeur. Quatre ingrédients et c’est tout. Il n’y a pas d’autre secret dans le St-Germain, dans lequel n’entre aucun agent de conservation, stabilisateur ou arôme artificiel.

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Un Américain à Paris 

Au fil du temps, la recette a été modernisée pour satisfaire un plus grand volume de production, mais celle-ci n’a pas changé depuis le lancement de la marque fondée en 2007 et rachetée par le groupe Bacardi en 2013. En admirant son flacon raffiné arborant des courbes et des dorures qui rappellent le style Art déco, on pourrait penser que le St-Germain est tout droit sorti d’une autre époque. Or, il n’a même pas encore atteint la majorité!

Le fondateur, l’Américain Rob Cooper, un amoureux de la France et de son histoire, a sciemment joué sur ces codes. Le nom St-Germain est d’ailleurs un hommage direct au mythique quartier Saint-Germain-des-Prés, haut lieu de la vie intellectuelle et culturelle parisienne au 20e siècle. « Il a souhaité encapsuler l’élégance à la française, le Paris des cafés, le Paris des films, le Paris des chansons », raconte Franck Dedieu.

Pour la petite histoire, Rob Cooper a eu l’idée du spiritueux en 2002, après avoir dégusté un cocktail à base de fleur de sureau dans un bar londonien. Le coup de foudre a été instantané et cinq ans de recherche et développement plus tard, le St-Germain faisait son apparition dans le marché. Il a connu sa première vague de popularité auprès des barmans, qui l’ont vite adopté, puisqu’il ajoute un « je-ne-sais-quoi » de fruité et de floral (on détecte des notes de poire, d’agrumes, de fruits tropicaux et de chèvrefeuille) à un cocktail.

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Aujourd’hui, l’équipe de St-Germain, formée notamment d’ambassadeurs et de mixologues expérimentés, a pour mission de conquérir notre bar à la maison et de prouver à quel point cette liqueur est polyvalente, en plus de bien se marier à une foule d’alcools, du gin (dans un gin-tonic) à la tequila (dans une Margarita).

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Mais encore, la façon la plus simple de la découvrir est sans doute sous la forme d’un spritz, composé de St-Germain allongé avec du Prosecco et de l’eau pétillante, le tout garnit d’un zeste de citron et d’une fleur (comestible) de saison. Et en dégustant un énième verre de ce cocktail rafraîchissant dans la campagne ardéchoise – où aucun nuage n’a encore entaché le ciel bleu azur –, on se dit qu’il est plutôt facile de se laisser convaincre.

Ryan Bolton

Recettes

St-Germain Margarita 

Donne 1 cocktail
Ingrédients

45 ml de liqueur de sureau St-Germain
60 ml de tequila
60 ml de jus de lime frais
Quartiers de lime pour garnir

Méthode

Combiner le St-Germain, la tequila et le jus de lime dans un shaker.
Ajouter des glaçons et secouer vigoureusement jusqu’à ce que le mélange soit bien frais.
Filtrer dans un verre bas rempli de glaçons.
Garnir du zeste de lime.

St-Germain Spritz

Donne 1 cocktail
Ingrédients 

30 ml de liqueur de sureau St-Germain
45 ml de vin mousseau de type Prosecco
20 ml d’eau pétillante
Zeste de citron
Fleur comestible (facultatif)

Méthode

Verser le St-Germain dans un verre haut rempli de glaçons.
Allonger avec le vin mousseux et l’eau pétillante.
Bien remuer le mélange.
Exprimer le zeste de citron et en garnir le cocktail. Garnir d’une fleur comestible, si désiré.

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