Pourquoi avoir intitulé ton livre Racines?

Je suis arrivée au Québec à 28 ans, de la Turquie. Et depuis, je me suis enracinée ici. Ce livre, c’est mon cheminement. En arrivant dans un nouveau pays, on apporte souvent nos façons de faire. Au début, je désirais partager ma cuisine turque avec les clients de mon premier restaurant, le Su. Mais j’étais aussi curieuse de découvrir le terroir québécois; je voulais tout apprendre, tout goûter. Racines est une synthèse de mes recettes méditerranéennes que j’ai adaptées en m’inspirant d’ingrédients locaux, comme les gourganes et les épices boréales.

Sirop de pissenlit, huile de bleuet, crème glacée au maïs: tu réinventes notre terroir!

En fait, on cuisine le pissenlit en Turquie! Sauf que là-bas, c’est considéré comme une herbe sauvage qu’on mange en saison. Au début, je voulais utiliser des ingrédients d’ici à 100 %, mais j’ai ajouté un peu de pistache, d’huile d’olive, de grenade, de mandarine. Racines est aussi un livre qui puise dans mes souvenirs et les saveurs qui ont bercé mon enfance. On a cuisiné et photographié les recettes du livre sur un an, en suivant les récoltes de ma ferme. La plupart sont très faciles à suivre, et utilisent quatre ou cinq ingrédients, à part les assaisonnements. Il y a beaucoup de tomates, de poivrons, d’aubergines, d’agneau, de yogourt, qui sont au cœur de la cuisine turque.

Tu n’indiques pas de portions dans le livre. Pourquoi?

Je ne sais pas comment cuisiner selon le nombre de personnes… ce n’est pas dans mes racines! La cuisine turque est une cuisine de partage; donc, on sert généralement un plat principal avec plein de petites choses autour, surtout des mezzés de légumes, qui se mangent à la température de la pièce. Et s’il en reste, c’est tant mieux, parce qu’on aime bien qu’il y ait toujours un petit truc dans le frigo quand les amis passent.

Tu ne sers jamais de tomates fraîches en hiver. Pourquoi?

J’utilise des conserves ou je cuisine d’autres aliments plus réconfortants quand il neige. Aujourd’hui, on achète de tout n’importe quand grâce aux importations, mais ça n’a aucun sens. La terre, les animaux, les plantes vivent selon les saisons, mais pas nous. Je pense qu’on est en meilleure santé si notre alimentation suit le cycle de la nature. Notre corps a-t-il «vraiment» besoin de melon d’eau en hiver?

En pleine pandémie, tu as quitté Montréal pour ouvrir une table champêtre à Saint-Blaise-sur-Richelieu. La culture locale, tu y tiens?

Oui. Nos habitudes alimentaires ont un coût écologique énorme. Au Mexique, on a déplacé des cultures entières pour produire des avocats à exporter. Même chose en Californie, où on cultive des amandes, qui exigent beaucoup d’eau. Avec Racines, et avec Bika, je voulais encourager les gens à manger des produits locaux le plus possible, leur montrer qu’avec un peu d’efforts et de volonté, on peut changer les choses; c’est à notre portée. 

Racines, de Fisun Ercan (KO Éditions, 40 $)

Racines, de Fisun Ercan (KO Éditions, 40 $)

Pour vous procurer le livre Racines de Fisun Ercan, c’est par ici

Lire aussi:
Le poulet en vedette dans 15 recettes
Athena Calderone: déesse domestique
Salade de courgettes avec roquette et feta