Jo-Anne McArthur, La photographe de guerre

Petite, Jo-Anne McArthur prenait les écureuils écrabouillés par

des voitures et les enterrait dans son jardin. Elle jouait aussi avec Duke, le chien du voisin, qui passait ses longues journées seul dans la cour. «Son besoin d’être en relation avec des humains me bouleversait», raconte la photographe ontarienne, dont les clichés ont fait le tour du monde. «Encore aujourd’hui, lorsque je pense à lui, je ressens un profond sentiment d’injustice.» Puis en 1998, alors qu’elle traverse l’Équateur, elle croise un macaque attaché

au rebord d’une fenêtre. Le singe est entraîné à fouiller dans les poches des passants. Les touristes prennent des photos, rigolent. Tous, sauf Jo-Anne. Ce jour-là, elle décide de devenir «photographe de guerre» pour donner à voir les bêtes prisonnières de notre monde: les fermes industrielles, les jardins zoologiques, les élevages de fourrure… Elle avoue que le plus difficile, c’est de plonger ses yeux dans ceux d’un animal qu’elle ne peut pas sauver.

We animals media; Kguerin

Jo-Anne McArthur photographie les bêtes prisonnières de notre monde.

Margaret Robinson, La gardienne des traditions

Membre de la Première Nation micmaque de l’île de Lennox, dans les Maritimes, Margaret Robinson a rencontré cinq autres autochtones qui, comme elle, sont véganes. Professeur au Département de sociologie et d’anthropologie sociale de l’Université de Dalhousie, elle a adopté ce mode de vie parce que la façon de se nourrir aujourd’hui ne correspond pas du tout aux valeurs de ses ancêtres. «Dans l’est du Canada, 45 % d’entre nous vivons dans les grands centres et allons au supermarché comme tout le monde.» Dans la culture micmaque, les humains ont un lien de dépendance et non de domination envers la nature. Les animaux ont aussi leur vie propre et sont vus comme des semblables. Pour se nourrir, il ne faut jamais tuer plus de bêtes que nécessaire et utiliser tout le corps de l’animal, par respect pour son sacrifice, ce qui est loin d’être le cas dans l’industrie alimentaire. «Les valeurs liées au véganisme

– le respect de la nature et de tout être vivant – me semblent donc plus proches de nos traditions, affirme Margaret. Les animaux sont d’autant plus considérés qu’il n’est plus nécessaire de les abattre pour survivre.»

Karine Payette, L’artiste qui fait jaser

Depuis 10 ans, cette Montréalaise remet en question notre relation ambiguë avec le monde animal. Pour sa dernière exposition à la Maison des arts de Laval, elle a, entre autres, fabriqué un ours polaire qui respire grâce à une mécanique subtile. La bête est étendue sur le béton, comme dans un zoo. Autour d’elle, des blocs de glace remplis de fruits censés la divertir et lui faire oublier sa condition. L’ours dort-il paisiblement? Souffre-t-il en silence?

Karine Payette n’a pas son pareil pour semer le trouble dans notre tête. D’où la force de ses photos, de ses vidéos et de ses installations, qui, bien que naïves à première vue, ébranlent nos certitudes. «J’ai eu un choc en allant visiter un aquarium, raconte-t-elle à propos de la trame derrière sa dernière expo. Un morse allait et venait vers nous, et tout le monde s’exclamait: “Wow, il vient nous dire bonjour!” Mais cet animal-là était atteint de stéréotypie (le fait d’exécuter sans cesse le même mouvement) et en proie à une psychose!, dit-elle, indignée. Pourquoi regardons-nous ces animaux?»

Dalila Awada, La militante féministe et antiraciste

Chroniqueuse au journal Métro et cofondatrice de Paroles de femmes, un organisme qui permet aux femmes racisées de raconter leur expérience, Dalila Awada étudie les liens entre le racisme et le spécisme à la maîtrise en sociologie. La Québécoise, dont les parents sont nés au Liban, explique que le déclic s’est fait en 2013 durant le fameux débat sur la Charte. «J’ai reçu des injures pour avoir défendu publiquement les musulmanes qui portent le voile. On me traitait de «truie», de «chameau», et même de «cafard», sur les réseaux sociaux parce que, supposément, les musulmans envahissaient le Québec.

En me penchant sur le sujet, j’ai compris qu’il existait une matrice commune à toutes les formes d’oppression. Une vision du monde qui suppose que certains humains sont moins dignes que d’autres et qu’on peut ainsi leur infliger toutes les souffrances. Le racisme a besoin du statut inférieur des animaux pour exister.»

Les Akashingas, Les héroïnes de la savane

La vallée du Zambezi, au Zimbabwe, venait de perdre

11 000 éléphants en 10 ans lorsque Damien Mander, à la tête d’un groupe de rangers, s’est dit qu’il fallait désormais «penser en dehors de la boîte». Et si on embauchait aussi des femmes pour lutter contre le braconnage? Surtout des orphelines, des mères seules sans emploi, des victimes de violence physique ou sexuelle? Comme elles ont connu l’abandon ou les pires sévices, peut-être qu’elles auraient une véritable empathie pour les animaux qui se font massacrer.

Le pari s’est avéré hautement efficace. En plus de réduire le braconnage, la troupe de choc baptisée les Akashingas (les «braves») agit à la source du problème. Un travailleur en région rurale, là-bas, investit trois fois moins de son salaire dans sa communauté qu’une femme. Aussi, offrir un emploi aux filles permet d’assurer que les enfants iront un jour à l’école; donne de quoi vivre aux proches qui pourront chasser les animaux pour subsister; limite l’élevage de bétail qui détruit les écosystèmes. Avec la première escouade féminine, les Black Mambas, en Afrique du Sud, dont elles s’inspirent, les Akashingas montrent que tuer un éléphant, c’est tuer l’avenir.

Jo-Anne McArthur

Une photographie signée Jo- Anne McArthur, datant de 2009, et tirée d’une série portant sur les gorilles du Cameroun.

Jane Goodall, La pionnière

Elle a révolutionné la science et aboli la frontière entre l’humain et le règne animal. En partageant son quotidien avec les chimpanzés durant 20 ans, Jane Goodall a montré que ces animaux savaient utiliser des outils; vivaient un deuil quand un membre de leur famille mourait; qu’ils étaient capables d’empathie les uns envers les autres. Des qualités considérées jusqu’alors comme proprement humaines. Lorsque Jane a accouché de son fils en 1967, elle ne s’est pas gênée pour dire que c’étaient les femelles chimpanzés qui lui avaient enseigné à être une bonne mère. Âgée aujourd’hui de 86 ans, la célèbre primatologue ratisse la planète pour éveiller les consciences à l’importance de préserver l’environnement et chaque vie sur terre. Mission qui lui a valu l’an dernier de faire partie des 100 personnes les plus influentes de la planète, selon le magazine Time.

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