Sans quitter ses sujets de prédilection, mais en haussant franchement le ton, l’auteure sonde l’amour et l’amitié des jeunes trentenaires, inspecte sans pitié leur rapport à l’engagement, qu’il soit intime ou qu’il soit politique, dépeint en somme leurs obsessions et leurs angoisses, leurs envies inavouables et leurs espoirs contenus. Devant une pièce aussi féroce, à ce point courageuse, qui cristallise le présent avec tant de justesse, on pense nécessairement au Déclin de l’empire américain, de Denys Arcand», écrivait Christian St-Pierre dans Le Devoir en 2019 au sujet de la pièce Lignes de fuite, qui avait été saluée autant par la critique que par le public.

Qu’est-ce qui a motivé Catherine Chabot à transposer ce bijou de pièce acclamée en long métrage, alors qu’elle considère le théâtre comme «le dernier repère sacré»? «La dimension cinématographique donne la possibilité d’entrer dans l’intériorité des personnages, chose plus difficile à faire au théâtre», répond Catherine, qui porte un drôle de microcasque lors de notre entretien à distance, histoire de s’assurer de ne pas réveiller sa fillette de 15 mois, en mode sieste d’après-midi.

«Au théâtre, on était tous sur scène du début à la fin de la pièce et on parlait tous non-stop en même temps, dit-elle. En réalisant Lignes de fuite pour le cinéma, j’ai pu complexifier les personnages afin de permettre qu’on les comprenne mieux et qu’on les trouve plus attachants. Chaque gorgée, chaque respiration au grand écran permettent de faire un gros zoom sur la charge émotive du moment.»

Les Films Séville

Distribution étoilée

Pour que le long métrage transpire de réalisme, Catherine et sa coréalisatrice, Miryam Bouchard (M’entends-tu?, Mon cirque à moi), ont choisi des acteurs et des actrices en mesure de jouer un arc-en-ciel de nuances. Il y a d’abord Léane Labrèche-Dor et Mariana Mazza, qui forment,avec Catherine Chabot elle-même, le trio d’amies du secondaire sur lequel repose le film. Puis gravitent autour d’elles leurs conjoints et conjointes, interprétés par Mickaël Gouin, Victoria Diamond et Maxime de Cotret. «C’est un casting de rêve, dit Catherine. Ce sont tous des acteurs virtuoses, capables d’être drôles – directs sur le punch – et de jouer de façon très dramatique aussi.»  Les minutes qui ont suivi ont été consacrées à une déferlante de compliments à l’intention de ceux et celles qu’elle appelle maintenant «ses amis». Elle m’a dit que Mariana était «faite  pour cette partition d’actrice» et qu’«elle est vraiment douée», et que Victoria avait «une présence angélique et magnétique». Elle a vanté les mille et un talents de Maxime de Cotret, un ami de longue date, qui joue son amoureux dans le film. «C’est un soleil, ce gars-là, avec un cœur complètement ouvert.»

Courte pause d’éloges. Croyant entendre un bruit, la maman retire délicatement son microcasque quelque peu loufoque, tend l’oreille et revient à notre entretien, rassurée. L’enfant dort toujours. Il n’est aucunement question que Catherine passe sous silence le dévouement de Mickaël Gouin et de Léane Labrèche-Dor, nouvellement parents lors du tournage. «Je les remercie pour leur abnégation. C’est vraiment “sacrificiel” d’avoir un bébé de deux mois et d’embarquer dans ce genre d’aventure. Le couple avait engagé une gardienne sur le plateau, car Léane allaitait durant les pauses. Et Léane, c’est une capitaine de bateau. C’est elle qui “drivait” le plateau et qui “drive” aussi le film. Elle connaissait les répliques de tout le monde, en ne dormant que trois heures par nuit… C’est un génie, cette fille.»

Pour que tous ces artistes aient des textes à livrer à la hauteur de leur talent, Catherine a travaillé au scénario avec Émile Gaudreault (De père en flic, Menteur). «Émile a fait mon initiation à l’écriture cinématographique. Il m’a tellement appris: la structure, l’efficacité comique, les répliques qui vont droit au but. Comme on est deux workaholics, on a retravaillé le scénario jusqu’au jour de mon accouchement. On est arrivés au bout de quelque chose. Et j’en suis fière.»

Lignes de fuite, en salle le 6 juillet.

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