Depuis l’âge de 14 ans, j’ai écrit sur le web un nombre incroyable d’articles sur Taylor Swift. J’ai toujours été fascinée par la façon dont elle gère son image publique et par l’honnêteté avec laquelle elle exprime ses émotions dans ses chansons (même si une artiste qui ose le faire est souvent qualifiée de «folle»). Après quelques histoires d’amour fortement médiatisées et la sortie de son quatrième album, Red, Taylor a été critiquée par le public, les médias et ses pairs pour avoir eu l’audace d’aborder dans ses textes le sujet de ses fréquentations masculines – ce qui lui a valu une tenace réputation de croqueuse d’hommes. Mais j’ai toujours senti que, dans ses chansons, les hommes lui servaient de prétextes pour parler de son développement personnel, de sa découverte d’elle-même.

En octobre 2014, malgré son succès fulgurant dans le monde du country, Taylor a choisi de nous offrir un nouvel opus strictement pop, 1989. On y entend avec surprise la romantique qui chantait Forever and Always déclarer que «rien n’est éternel» («nothing lasts forever»). Elle est maintenant en couple avec le DJ écossais Calvin Harris, vit à New York et pose un regard neuf sur l’amour. À 26 ans, Taylor Swift se réinvente.

Est-ce que c’est facile pour toi de révéler des pans de ta vie privée dans tes chansons? Ou est-ce une crainte que tu dois surmonter?
Ça ne me fait pas peur d’écrire sur ma vie personnelle. C’est une façon pour moi de vivre mes émotions, un peu comme certains le font en tenant un journal intime. Je sais bien que les médias essayent de deviner quelle personne m’a inspirée telle ou telle chanson, mais je ne le confirmerai jamais. C’est la seule protection que j’ai, c’est mon secret.

Qu’est-ce qui te fait peur?
Tellement de choses! Par-dessus tout, j’ai peur qu’à cause d’un faux pas tout ce que j’ai construit, toute ma carrière disparaissent. Dans le show-business, ça arrive, tu sais! Il suffit de dire un truc déplacé pendant une entrevue ou de perdre la tête dans un bar… Les gens se sentent facilement trahis par les célébrités qu’ils aiment.

Tu as grandi sous les feux de la rampe. Tes fans te connaissent presque intimement. Qu’est-ce que tu révèles au public, et qu’est-ce que tu gardes pour toi?
J’aime que mes fans me permettent d’être moi-même. J’ai 26 ans maintenant, alors s’ils me voient avec un verre de vin à la main, c’est correct. Ils ne m’en tiennent pas rigueur. Ils m’ont permis d’évoluer normalement, sans m’obliger à faire semblant d’être ce que je ne suis pas.

Plusieurs te considèrent comme un modèle pour les jeunes parce qu’on ne te voit pas souvent faire la fête ou sortir des bars complètement saoule. Qu’est-ce que tu en penses?
Je crois que chaque femme a ses propres priorités. Nous avons toutes différentes choses qui nous font sentir bien, fortes, sexys, spéciales ou en contrôle de notre vie. Il ne faut pas juger. Nous n’avons pas toutes les mêmes façons d’avoir du plaisir, de nous amuser, et c’est parfait comme ça. Et si on ne me voit pas sortir des clubs, ivre, aux petites heures, c’est tout simplement parce que ce n’est pas quelque chose que j’aime faire.

Tu as énormément de succès. Comment fais-tu pour garder les pieds sur terre?
Je n’ai vraiment pas un sentiment de supériorité. On demande souvent aux célébrités d’être sexy et edgy, et de rester isolées du monde, dans leur tour d’ivoire. Ce n’est pas ce que je veux. Je suis jeune, facile d’approche et pas du tout blasée! Je suis encore tellement excitée par tout ce qui m’arrive, tout ce que je fais. Je ne ferai jamais semblant de ne pas l’être.

Est-ce que tu crois que la vie serait plus facile si tu avais ce sentiment de supériorité?
J’aimerais parfois être une de ces artistes qui débordent de confiance en elles et qui écrivent des paroles du genre: «Je suis la meilleure, vous voulez tous me ressembler.» Certaines en sont capables! Mais pas moi. Ma chanson qui se rapproche le plus de ça, c’est Shake It Off, dans laquelle je dis simplement que je suis capable d’encaisser les coups, que peu importe ce qu’on dit à mon sujet, ça ne m’atteint pas.

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Parfois, lorsque je me souviens des choses que j’ai faites quand j’étais plus jeune, ça me rend folle! Est-ce que ça t’arrive?
Je ne ressens pas le besoin de critiquer ce que j’ai fait dans le passé. C’est un peu comme une maison que j’ai construite moi-même: je peux changer de décor, rénover, mais je ne veux pas détruire ce que j’ai bâti. Je ne me dis pas: «J’aimerais tellement revenir en arrière! Je regrette tellement d’être passée par cette phase où je portais des robes de princesse à tous les galas!» Tous ces choix font partie de mon cheminement. Avec 1989, je sens que j’ai fait des rénovations majeures dans ma maison, et ça me fait l’aimer encore plus. Mais les fondations sont toujours les mêmes. Tout est un processus. Ce qui compte, c’est qu’aujourd’hui je suis heureuse. J’aime ma vie, ma carrière, mes amis, mes fans, les paroles de mes chansons. Et j’aime la personne que je suis devenue.

C’était risqué de passer du country à la pop. Comment t’y es-tu prise?
Mon album Red était déjà une espèce de courtepointe de musique country et de musique pop. Est-ce qu’il était cohérent du point de vue sonore? Pas du tout! Mais c’était un album nécessaire à ma transition vers la pop. Évidemment, on m’avait prévenue: si tu n’es pas étiquetée comme une artiste country, tu vendras moins d’albums. Mais j’étais catégorique. 1989 n’est pas du tout country, et ç’aurait été prendre mes fans pour des idiots que de le cataloguer comme tel. Je voulais que ma démarche soit transparente.

Pourquoi as-tu décidé de changer de style musical?
Ça s’est fait naturellement. En 2014, Red était en nomination aux Grammy Awards pour l’album de l’année. Mon entourage semblait tellement convaincu que j’allais gagner que j’ai commencé à le croire aussi. Finalement, je n’ai pas remporté le prix – il a été remis à Daft Punk. J’étais déçue et, après la cérémonie, je suis tout de suite rentrée chez moi pour me rouler dans une couverture et manger un hamburger sur mon canapé. Mes choristes sont venues me tenir compagnie. C’est là que je leur ai demandé: «Voulez-vous entendre des trucs que j’ai composés cette semaine?» Et je leur ai joué le démo de la chanson Welcome to New York. Elles m’ont regardée, surprises, et m’ont dit: «Taylor, on dirait une chanson pop des années 80! Tous les sons que tu utilises sont inspirés de cette époque!» C’est là que j’ai réalisé que tout ce que j’avais écrit pour cet album était complètement pop. Et, comme je connais bien mes fans, je savais que ça leur plairait.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça a bien marché!
Oui! Il s’est écoulé 1,3 million d’albums dès la première semaine! Ça m’a soulagée. Si j’en avais vendu moins, j’aurais eu droit à un «On te l’avait dit!» bien senti de la part de mes producteurs.

Comment ta façon d’écrire a-t-elle changé?
Lorsque j’ai composé les chansons de mes premiers albums, je n’avais jamais eu de relation amoureuse. Je lisais des romans et je regardais des films romantiques, alors je croyais qu’être en couple était magique. Puis, un jour, je suis tombée amoureuse. Et évidemment, j’ai été déçue. Avec le temps, j’ai réalisé que les fins «ils-vécurent-heureux-et-eurent-beaucoup-d’enfants » n’existaient pas. Et ça transparaît dans les thèmes de mes chansons. Je crois à l’amour, mais je ne suis plus une romantique finie.

Plusieurs pièces de 1989 abordent le sujet de la perception du public à ton égard…
Oui! Avec 1989, j’ai repris le contrôle de la «conversation»: j’ai répondu à ce qui avait été dit à mon propos, notamment dans Shake it Off et Blank Space. On a raconté tellement de choses sur moi: «Elle tombe amoureuse trop facilement, elle est folle, elle fait peur aux hommes, elle pique des crises», etc. J’ai donc repris ce personnage complexe inventé par les médias et j’ai écrit la chanson Blank Space de son point de vue. Et ç’a été mon plus gros hit en carrière! 1989 est construit de manière très artistique: il y a des éléments récurrents, comme dans un roman.

Qu’est-ce qui t’a inspirée?
À cette époque, je vivais de nouvelles aventures, de nouvelles amitiés, c’était ma priorité, et je voulais que cet album reflète ces changements dans ma vie personnelle. J’avais aussi envie de parler de l’amour, mais je ne voulais surtout pas en faire le personnage principal de mon histoire. Et l’endroit parfait pour créer ce disque, c’était New York! J’y ai emménagé. Je suis en amour avec cette ville vibrante, frénétique, mais intime à la fois. Elle m’a inspirée.

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Au cours des dernières années, on a beaucoup parlé de tes relations amoureuses dans les médias. Comment as-tu géré toute cette attention?
Je sais ce que je suis et je sais ce que je ne suis pas, mais je trouve ça difficile quand les gens ont une mauvaise impression de moi. Je ne peux pas juste aller les voir et leur dire: «Hey, je vous jure que je ne suis pas comme ça!» Alors, je garde la tête baissée, je continue d’écrire des chansons, de donner des concerts, et j’essaie de rester concentrée sur l’essentiel – en espérant que les médias feront de même! Heureusement, je sens que les gens commencent tranquillement à s’intéresser à autre chose qu’à ma vie amoureuse. Ma priorité, c’est d’être heureuse. J’ai toujours pensé que le bonheur allait me tomber dessus, mais je me rends compte maintenant que je dois y travailler. Je ne veux pas être connue comme la Reine des peines d’amour! Je veux qu’on me perçoive comme une femme qui a une vie extraordinaire, comme une bonne amie, comme une personne loyale.

Qu’est-ce que tu penses de toutes les histoires que les gens inventent à ton sujet?
Après tout, si les médias exploitent mon nom pour gagner de l’argent, c’est que j’ai du succès! Quand on ne scrute pas à la loupe ma vie amoureuse, on critique mes décisions d’affaires – qui sont pourtant très réfléchies. Mais si on me consacre toute cette attention, aussi exaspérante soit-elle, c’est parce que j’ai une carrière réussie et que j’ai vendu six millions d’albums en moins d’un an! Alors, je suis presque flattée de ce qu’on écrit sur moi, même les histoires complètement loufoques. Mais, quoi qu’il en soit, je préfère de loin qu’on parle de moi pour ma musique.

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