Elle est volubile, mais se dévoile peu. Elle se plonge souvent dans des rôles sombres, mais elle vit dans la lumière. Spontanée et facile d’approche, elle s’avoue volontiers exclusive, vouant une loyauté à la vie à la mort à ses plus proches amis. Artiste à part entière, elle a choisi le jeu et la photo pour s’ouvrir au monde et révéler son goût des autres. Femme sémillante, spontanée, mais aussi intrépide et déterminée, elle est frémissante comme les feuilles d’un arbre sous un vent de printemps, et ses racines atteignent des profondeurs insondables…

Celle qui s’est investie avec une rare sincérité dans les séries télé Minuit, le soir et plus récemment 19-2 (toutes deux réalisées par Podz) occupe une place à part dans nos coeurs. «Julie, c’est une force de la nature. Elle peut tout jouer. Je suis en admiration devant elle», me dira Podz, devenu un de ses amis intimes. Cet été, l’actrice fait un retour très attendu au cinéma dans Le mirage, un film réalisé par Ricardo Trogi (Horloge biologique, 1987...), d’après un scénario original de Louis Morissette et François Avard (sortie prévue le 5 août). Elle y incarne Isabelle, une trentenaire banlieusarde plongée contre son gré dans la crise existentielle de son mari Patrick (Louis Morissette), qui remet en cause leur vie aliénée par la surconsommation et le regard des autres. La comédie, qui réunit le couple d’acteurs de la télésérie 3 x rien, s’annonce décapante à souhait! L’automne prochain, on retrouvera également Julie Perreault dans la série Les jeunes loups, sur les ondes de TVA.

J’ai rencontré la comédienne par un matin ensoleillé de mars, dans le calme d’un bistrot français. C’était sa première journée de congé depuis un mois. Le visage nu, à l’exception de l’éternelle touche d’éclat qui illumine ses joues, elle était d’une sobre élégance dans son chemisier en soie et son skinny kaki. Fraîche et juvénile comme on se l’imagine, elle m’a conquise par sa profondeur et sa gravité, qui sont la marque des plus grandes. Elle s’est racontée sans détour, entre ses éclats de rire immenses et généreux…

Dans la comédie Le mirage, vous jouez une mère de famille de banlieue dépassée par ce qui lui arrive. Que représente ce personnage pour vous?

C’est le genre de rôle que je préfère! J’adore ce ton très près de la réalité… C’est aussi le rôle dans lequel je me dévoile le plus. Il révèle des choses très personnelles sur moi. Il y a même des phrases que j’ai dites dans la vie et que Louis Morissette a reprises dans le film. Lesquelles? Je ne tiens pas à le préciser. Tant mieux si les gens y croient!

Le long métrage aborde la remise en question de nos choix à l’approche de la quarantaine. Est-ce qu’il a ébranlé certaines de vos convictions?

Pendant le tournage, je me suis posé les mêmes questions que le spectateur va se poser en regardant le film. J’approche de la quarantaine. C’est l’âge des choix, des interrogations. Est-ce que je suis avec la bonne personne? Est-ce que j’ai le goût de continuer ma vie avec elle? Est-ce que 15, 20 ans après notre rencontre, nous sommes rendus là où nous avons envie d’être? Je ne parle pas de moi précisément, mais des couples de ma génération.

Ça prend une bonne dose de lucidité et de courage pour dresser ce bilan, non?

Oui, parce qu’à 40 ans on a beaucoup à perdre si on fait un constat négatif, surtout quand on a une famille. On se retrouve face à deux possibilités: soit on reste dans le déni, soit on décide de s’écouter. Dans les deux cas, on va vivre des moments difficiles. Ça prend du courage pour se poser honnêtement la question et ne pas fuir la réponse. Le film parle de tout ça. De l’importance de faire le point à deux sur sa vie de couple, tout en étant happé par le tourbillon de la vie, la surconsommation et le regard des autres.

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Avez-vous trouvé difficile de quitter votre rôle d’Isabelle Latendresse, dans 19-2?

Non, parce que j’ai été habituée aux longs intervalles entre les premières saisons. Et puis, je suis trop terre à terre pour demeurer habitée par mes personnages une fois que j’ai fini de les jouer. Par contre, il m’arrive souvent de penser à eux quand je vais courir. La solitude me permet de trouver des réponses qui m’échappent dans le brouhaha du quotidien. Ce n’est pas banal de devenir quelqu’un d’autre. Ça demande une grande préparation. Ça exige plus que de l’empathie… ça exige un abandon total.

On sent toujours une grande quête de vérité dans votre travail…

La vérité, c’est le moteur de ma démarche artistique. Peut-être parce que mon métier m’aspire vers le contraire: l’image, les apparences… Le désir de plaire aussi, qui peut nous faire renier nos propres valeurs. J’ai souvent eu à lutter contre ça. J’ai longtemps pensé que je devais toujours être gentille, parfaite. Ça me donnait l’impression – je dis bien «l’impression»! – que tout le monde m’aimait. Plus maintenant, surtout depuis que je prends la parole pour exprimer mon opinion, mes désirs, mes insatisfactions. Je m’assume davantage. Évidemment, il y a un prix à payer. J’ai dû rompre des amitiés, des relations de travail. Mais ça m’a permis de m’épanouir encore plus. Il y a beaucoup de candeur et de naïveté dans un tel processus. Avec le temps, je vais doser! Pour l’instant, il faut que je fasse attention à ne pas trop faire le ménage… enfin, à ne pas le faire au complet en une seule semaine! (éclats de rire)

Vous incarnez les personnages tourmentés ou lumineux avec le même aplomb. Vous n’avez donc peur de rien?

Pour moi, la peur est un poison! Il m’arrive de la ressentir, mais c’est un gouffre dans lequel je m’interdis de tomber: je trouve ça toxique. Je n’ai rien d’autodestructeur en moi. Je n’ai jamais consommé de drogues fortes, ni flirté avec le danger, ni fréquenté des bums. Les seules fois où je tourne autour de la peur, c’est quand je joue, mais je sais qu’il y aura toujours quelqu’un pour me tendre la main si je dérive. Comme Podz: lui seul connaît aussi bien l’étendue de mes possibilités et de ma gravité. Avec lui, je peux avoir du fun en plongeant dans les émotions les plus troubles. Comme je ne me permets pas de les exprimer dans la vie, je m’autorise à les vivre pleinement à l’écran.

Avez-vous été blessée par les moqueries au sujet de la télésérie Les jeunes loups durant sa première saison?

À vrai dire, ce ne sont pas tant les critiques qui m’ont désolée que l’écart entre ma vision de la série et le résultat à l’écran. Cette année, la série sera très différente de la première saison. Le ton sera plus parlé, l’approche, plus réaliste. Je prends beaucoup de plaisir à la tourner!

Dans quel esprit retrouvez-vous votre personnage de Claudie, la patronne du journal Le Matin?

J’aime Claudie! C’est une fille intelligente, empathique et déterminée, qui comprend l’importance de la collaboration et qui s’entoure des meilleurs. En une demi-heure, elle me fait vivre plus d’expériences que dans toute une vie! C’est un personnage super le fun à jouer! (rires)

Julie-Perreault-ELLE-Quebec-juin.jpgVous êtes en couple depuis 15 ans avec Sébastien Delorme. On sait très peu de choses sur lui, sinon qu’il est un comédien très talentueux et assez mystérieux…

C’est vrai qu’on ne le connaît pas du tout. Sébastien est un grand timide! On a des personnalités complémentaires. Il est d’un naturel réservé, tandis que moi, j’ai besoin de prendre de la place. Je n’aime pas les temps morts. Quand ça arrive, je raconte une anecdote, j’anime la foule, tandis que Sébastien se retire. Je suis souvent bubbly et intense… Je le fais rire. Tant mieux pour moi, car il pourrait me trouver énervante! (Bref silence.) Sébastien me permet d’être celle que j’ai envie d’être.

Avouez qu’il n’est pas mal non plus…

C’est fou, mais ça m’arrive encore de me dire combien je le trouve beau. Après 15 ans de vie à deux, c’est plutôt rassurant! (rires)

Vous dites que l’amitié est très précieuse à vos yeux. Est-elle aussi vitale en amour, pour vous?

Je l’apprécie, mais elle n’est pas essentielle. On peut vivre une grande histoire d’amour sans avoir pour autant le désir de tout raconter à l’autre et d’avoir son approbation constante. Mes plus belles soirées avec Sébastien, je les passe à jaser, autour d’un bon verre de vin. On parle de lui, de moi. Avec les enfants (Thomas, 13 ans, et Elisabeth, 6 ans), on a de moins en moins de moments à deux. Mais on résiste! On s’accorde des weekends, des virées à New York, pour se retrouver…

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Quelles sont les principales valeurs que vous souhaitez transmettre à vos enfants?

Hum, il y en a plusieurs! (Long silence.) Avant tout, je dirais le respect de soi et des autres. L’intégrité, aussi. Ça peut changer, au gré des situations et de ma propre évolution. Mais une chose est sûre: si quelqu’un me disait «Julie, tes enfants vont être heureux dans la vie», c’est la chose qui m’apporterait le plus de paix.

Quelle place accordez-vous à la liberté?

C’est un de mes mots préférés! Elle occupe souvent mes pensées. On se construit une vie selon nos valeurs et nos responsabilités. Puis, on s’aperçoit que notre liberté tient dans un espace très étroit. Moi, ça me va. Quand je joue, plus j’ai d’indications claires et précises, plus je me sens libre. C’est pareil dans ma vie amoureuse et dans ma vie familiale, qui sont solides, limpides. Ça me donne une grande liberté.

Est-ce cette soif de liberté qui vous pousse à faire de la photo?

Oui, car la photo me permet de m’exprimer autrement. Elle m’éloigne des projecteurs et me donne l’occasion de mettre les autres en valeur. Cette passion s’est installée tranquillement en moi, depuis déjà 13 ans. Ce n’est pas qu’un plan B. Je pratique la photo très sérieusement. Je suis des cours, je veux m’améliorer, je provoque les rencontres, je multiplie les projets…

La photographie pourrait-elle éclipser votre passion du jeu?

Non! Je brûle toujours d’avoir des rôles étoffés et de travailler avec de grands réalisateurs. Seulement, je me permets de m’exprimer autrement que par le jeu. Je suis une fille curieuse. Je flaire les bonnes occasions et je les croque! J’aime mener les projets jusqu’au bout, même si je me trompe en chemin. Je sais que ça va m’éclairer pour la suite…

On dit que vous aimez bien potiner sur les plateaux de tournage… Est-ce vrai?

J’ai besoin de savoir tout ce qui se passe pendant que je tourne. Si on me cherche, il y a de bonnes chances qu’on me trouve en train de fouiner dans les costumes ou de papoter avec les techniciens… Et puis potiner, c’est divertissant, ça rassemble les gens. (silence) Ça m’empêche aussi de parler de moi… Je ne fais aucune confidence lorsque je travaille. Et je ne répète jamais celles que me font les autres. Sur ce point-là, je suis d’une discrétion ab-so-lue.

Et la mode, ça vous plaît?

C’est un intérêt que j’ai acquis récemment, par l’intermédiaire de la photo. J’aime voir ce que font les designers, comment ils traduisent notre époque. C’est important de connaître les tendances, peu importe si on les suit ou non. La mode, c’est pour moi un moyen d’expression subtil. J’aime les vêtements élégants et structurés, c’est comme une armure qui me protège. Je me dévoile très peu à travers mon style. C’est mon seul côté mystérieux!

Comment reprenez-vous votre souffle? Vous êtes une des rares comédiennes à ne pratiquer ni le yoga ni la méditation…

Le truc pendant lequel on ne doit penser à rien? Et dire des «Ommm»? Non!!! Pas capable! (rires) Surtout quand je suis en train d’apprendre mes textes ou de jongler avec mes horaires. Peut-être que dans trois mois, je ne vais jurer que par le yoga, mais pas pour l’instant.

Vous vous détendez plutôt dans l ‘action, alors?

Exactement! Je cours, je fais du vélo. J’ai besoin de brûler mon énergie. Et d’aller jusqu’au bout de moi-même. Quand je fais quelque chose et que j’y crois, je suis vraiment intense! (éclats de rire)  

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