Emporte-moi (Léa Pool, 1999)

«Ma toute première scène de cinéma, je l’ai interprétée en hiver, sur une patinoire, dans Emporte-moi. Je jouais aux côtés de la si magnifique Pascale Bussières! Je me souviens encore de l’odeur un peu humide de sa tuque. Elle incarnait ma mère, et passait superbement du rire aux larmes dans cette scène. J’étais intimidée par elle et je faisais tout pour ne pas le montrer. Mais je ne crois pas y être arrivée car, entre nous, je ne suis pas très bonne comédienne dans la vie! J’avais 16 ans quand Léa Pool m’a donné ma chance. Au début du tournage, elle m’avait offert une photo d’Anna Karina, une fabuleuse icône de la Nouvelle Vague française, qui fascinait totalement mon personnage. Cette image montrant le beau visage ému d’Anna m’a inspirée pour le rôle. Elle me rappelait à quoi ressemblait une vraie actrice – ce que je n’étais pas du tout à l’époque! Ça m’a donné envie de me dépasser. Je suis contente d’avoir commencé à tourner avec Léa. Elle m’a appris en quoi consiste la rigueur sur un plateau de cinéma, et ça m’a toujours servi.»

 

 

Séraphin: un homme et son péché (Charles Binamé, 2002)

«Roy Dupuis est l’acteur qui m’a le plus influencée dans ma façon de travailler. L’attention qu’il porte à tout ce qui se passe sur le plateau de tournage me fascine! L’éclairage, le son, l’angle de la caméra, il n’en parle pas, mais rien ne lui échappe! Roy, c’est un grand acteur de cinéma qui comprend instinctivement la technique, et qui l’oublie… Quand je pense à lui, je me dis qu’on ne l’a pas vu souvent rire au grand écran. Je trouve ça dommage parce qu’il est magnifique lorsqu’il s’esclaffe! Avec Séraphin, j’ai compris le pouvoir que le cinéma pouvait exercer sur les gens quand l’histoire les prend aux tripes. C’est fou le nombre de femmes qui m’ont reparlé de la fameuse scène de la confiture! Je n’avais pas 20 ans quand j’ai incarné Donalda. Pourtant, Charles Binamé a vu à mon audition que je pouvais apporter quelque chose de nouveau au personnage. Il s’agissait de la première fois qu’un réalisateur masculin me choisissait, et j’étais consciente de ma chance! Ça me stressait, j’avais du mal à dormir. Je ne voulais pas manquer mon coup! C’est sur ce plateau que je me suis rendu compte que je voulais devenir actrice et faire partie du milieu du cinéma. Ça a été une révélation!»

 

Sans elle (Jean Beaudin, 2006)

«J’ai adoré participer à ce film! Dommage qu’il soit passé quasi inaperçu à sa sortie, car il s’agit d’un long métrage très bien écrit qui exprime plein de belles choses sur la relation mère-fille et le lien entre les mondes réel et imaginaire. On l’a tourné aux îles de la Madeleine. Comme je suis née un jour de pluie, eh bien, je me sentais tout à fait dans mon élément sous le ciel des îles. Sans elle me ressemblait aussi parce que son propos coïncidait avec ce que je vivais au moment de le réaliser. Je ne veux pas dire que la vie de Camille, mon personnage, me rappelait la mienne, mais je comprenais cette femme. L’histoire et l’atmosphère du film possédaient un sens pour moi. Cela dit, j’avoue que je ne referais pas nécessairement ce genre de long métrage à 29 ans. Une partie de moi a trop envie de légèreté pour replonger dans le drame!»

 

 

 

 

Ma fille, mon ange (Alexis Durand-Brault, 2007)

«Quand j’étais petite, ma mère devait me sortir du cinéma tellement je pouvais devenir émotive. Quand une scène ou un personnage touche beaucoup les gens, ça peut aller loin. Mais il arrive parfois qu’on ait à jouer un rôle qu’on ne saisit pas complètement. Comme lorsque j’ai incarné Nathalie [une fille à papa qui se rebelle et flirte avec la cyberpornographie]. Des rôles que j’ai tenus, c’est celui qui s’éloigne le plus de moi! J’avais 24 ans quand je l’ai interprété. Au début de la vingtaine, tu as besoin de montrer que tu n’es plus une enfant et que tu peux jouer autre chose. Ce n’était pas de l’exhibitionnisme de ma part [on voit Karine danser nue]. Je croyais que mon personnage irait plus loin, aurait une charge plus profonde. Mais non. Pour moi, cette période de ma vie constitue un fouillis. Mes envies, mes intentions, mes choix étaient confus. Une chose est certaine: cette expérience m’a appris que pour savoir porter un film, il faut bien en comprendre l’univers, sinon, ça ne marche pas.»

 

Polytechnique (Denis Villeneuve, 2008)

«Je n’oublierai jamais le tournage de la scène où Maxim Gaudette [qui interprétait le tueur, Marc Lépine] entre dans la salle de cours, sépare les gars des filles, et tire. Les étudiantes qui tombent par terre, le sang, c’était violent! On avait beau savoir qu’il s’agissait d’effets spéciaux, il a fallu faire une longue pause avant de reprendre la scène. Les comédiennes se trouvaient en état de choc. Comme pour mettre du baume au cœur de l’équipe, le spécialiste des armes à feu avait apporté des roses blanches pour toutes les filles cette journée-là. Une très belle attention. Polytechnique marque la première fois où je suis allée au bout de mon intuition et de mes choix artistiques. Mais autant j’avais tenté de faire abstraction de l’opinion des gens pendant la production, autant j’avais peur de l’accueil du public lors de la première. Je n’ai pas vu le film tellement je me sentais petite et j’avais les mains glacées! Heureusement, il a été bien reçu. Le fait que Denis Villeneuve l’ait réalisé constitue une grande chance. Sa sensibilité et son immense respect des familles et du sujet ont légitimé, je pense, la nécessité de revenir sur cette tragédie.»

Pan Am (télésérie américaine, 2011-2012)

«J’ai éprouvé un plaisir fou à porter les costumes de Colette [personnage d’hôtesse de l’air]! J’adorais la lingerie vintage: les soutiens-gorges, les gaines, j’aurais voulu partir avec! Un autre aspect le fun: être quatre filles à porter l’uniforme de la Pan Am. J’ai trouvé ça sexy! Il suffisait d’enfiler le costume, les chaussures, les gants, et on se trouvait propulsées dans les années 1960! Je me sentais vraiment bien sur ce plateau! Christina Ricci tenait la vedette, et c’était clair pour tout le monde. Du coup, ça m’a donné une telle liberté! Je me suis amusée, mais j’ai aussi exploré des facettes plus dramatiques. Je pense à l’épisode qui se déroule à Berlin dans lequel Colette confesse combien elle "déteste toujours les nazis" [elle a perdu ses parents durant la Deuxième Guerre mondiale]. Je n’en revenais pas de dire ça en pleine télé américaine! Les scripteurs ont d’ailleurs été virés pour ça. Cela dit, ça m’a fait du bien d’incarner une femme comme Colette et de montrer une autre image de moi aux gens. Mon plus grand défi sera de conserver le même sentiment de liberté dans mes prochains rôles!»

 

Karine Vanasse en cinq tenues de tapis rouge