Au cœur de tout ce chaos, juste devant le fameux Caesars Palace, se trouve une affiche format géant, pratiquement visible de la Lune, de la seule et unique Céline Dion. On la voit sur scène, la tête renversée vers l’arrière, en extase, dirait-on, de se livrer sans retenue à une foule en délire. J’entre dans l’énorme hôtel, rendu mythique par la présence de la diva, et j’emprunte une série d’escaliers et de corridors qui me mènent près de la loge de la chanteuse, où est aménagé un coquet espace réservé aux quelques invités et VIP qui auront la chance de la rencontrer avant le spectacle de ce soir. Je compte une vingtaine de personnes fébriles, dont un groupe de Québécoises, bien mises pour l’occasion, qui tremblent d’anticipation à l’idée de voir leur idole, déjà en retard de plusieurs minutes, en chair et en os. Soudainement, une porte s’ouvre et elle apparaît, vêtue d’une combinaison dorée, sourire aux lèvres et bras tendus, enthousiaste et prête à converser avec ses fans, entre deux sessions de photos-souvenirs. Quand c’est enfin mon tour de lui parler, je lui confie que j’ai extrêmement hâte de me plonger dans les émotions que son spectacle, et ses magnifiques chansons, promettent de me faire ressentir. Elle me regarde droit dans les yeux et, avec sa voix reconnaissable parmi cent mille, me répond: «Oh ouais, ce soir, on va feeler en masse!» en se frappant dramatiquement la poitrine du poing. Le show, semble-t-il, est déjà commencé.

Céline Marie Claudette Dion est une artiste-née. Sur scène ou en entrevue, elle vibre d’une énergie particulière. Elle blague, elle flirte, elle parade. Elle sait exactement ce que désire son public, et elle se donne tout entière. Au cours des vingt dernières années, cette volonté de plaire a pris la forme de deux résidences à Las Vegas et de nombreuses tournées mondiales, pour un total de plus de 1500 spectacles. Même si l’interprète a pris un peu de répit alors que son mari René Angélil se battait contre le cancer – dont il a malheureusement succombé en janvier 2016 –, elle est revenue en force en 2016. Sur scène, elle brille plus que jamais et, entre deux spectacles, elle s’exprime d’une toute nouvelle façon, plus assumée, plus libre et certainement plus fashion. Grâce à une collaboration exceptionnelle avec «l’architecte de l’image» Law Roach, elle est rapidement devenue une icône de la mode, une fashionista qui se pavane en grand pull Vetements ou en combinaison Balmain à la semaine de la mode de Paris, ou qui prend la pose pour les paparazzis en quittant un hôtel cinq étoiles, vêtue de tenues si originales qu’on les croirait tout droit sorties des pages éditoriales du ELLE QUÉBEC.

«Pour moi, rien n’est too much», dit-elle, confortablement installée dans la suite royale de l’hôtel Wynn, au lendemain de l’annonce de sa collaboration en tant qu’égérie avec L’Oréal Paris. Elle porte un élégant complet-veston Alberta Ferretti et des chaussures Gucci. Ses yeux sont savamment soulignés d’un trait de khôl et ses cheveux sont presque aussi dorés que la combinaison qu’elle revêtait hier, lorsque je l’ai rencontrée pour la première fois. Je lui demande comment elle est devenue aussi à l’aise avec ses choix mode plutôt risqués. Elle me répond par un geste vague, levant les yeux au ciel, ce qui, je l’apprendrai au cours de l’entrevue, est l’une de ses réponses préférées. Céline est une diva en mouvement constant; elle a l’élégance d’une panthère, mais l’attention d’un colibri. «Je n’ai rien à perdre», affirme-t-elle au sujet de ses folies vestimentaires. «C’est un personnage. Je ne peux pas plaire à tout le monde. La mode ne m’effraie pas; elle m’excite et me transforme.» Puis, elle se met sans préavis à chanter le refrain de Something to Talk About, de Bonnie Raitt. D’ailleurs, la chanteuse est si souvent prise aux tripes par la beauté des vêtements, qu’elle demande couramment aux designers de garder les pièces qui lui sont prêtées. «Je ne les vole pas! précise-t-elle. Je veux les acheter!» Malheureusement, les marques ne peuvent pas toujours se départir de leur échantillon, fraîchement sorti des passerelles. «Ils m’offrent de me confectionner une copie, mais la plupart du temps, je refuse.» Elle ne désire que les originaux, les pièces uniques dont elle est tombée amoureuse.

Céline est incomparable. À 51 ans, elle est aussi passionnée en concert qu’à ses débuts. Elle court, danse, saute, frappe dans ses mains et rit entre deux chansons de son incroyable répertoire, de The Power of Love à Because You Loved Me. À un certain moment, alors qu’elle présente sa chanson Ashes, tirée du long métrage Deadpool 2, elle décrit comment elle a réagi quand l’acteur Ryan Reynolds l’a contactée. Elle mime sa surprise et son hypothétique préparation pour un rôle dans un film de superhéros, puis joue la mine déconfite qui lui a déformé les traits lorsqu’elle a appris qu’il voulait seulement… qu’elle chante une chanson! Son orchestre et ses choristes, un groupe de professionnels de haut niveau, attendent patiemment qu’elle ait fini de raconter son anecdote, riant discrètement de ses remarques et de ses plaisanteries, une fois de temps en temps. Sa voix vaut absolument le détour. Sa performance vocale, qui l’a propulsée au sommet et qui en a fait l’artiste féminine la plus vendue à travers le monde, est intacte. Lorsqu’elle chante I’m Alive, la foule, qu’elle tenait déjà au creux de sa main, se fond en une masse de cris, de larmes et d’émotions. La femme à mes côtés pleure sans retenue, et je lui emboîte presque le pas chaque fois que la diva atteint une note particulièrement haute, toujours à merveille. Les gens dans l’assistance, fort probablement un peu réchauffés par le cocktail baptisé La Belle & La Bête servi dans le lobby, ne peuvent s’empêcher de hurler leur amour («Je t’aime, Céline!») toutes les fois qu’un moment de silence emplit l’auditorium. La connexion entre Céline et son public est exceptionnelle.

Au contraire de certains artistes, Céline a toujours été d’une authenticité désarmante; ça lui a d’ailleurs valu son lot de railleries. Elle s’exclame sans retenue, assise au premier rang des défilés des plus acclamés couturiers, qu’elle embrasse sur les joues comme de vieux amis. On l’a même vue pleurer (de beauté!) près d’une passerelle, en 2019, les yeux rivés sur une collection signée Valentino Couture. Au cours des dernières années, son ouverture et son excentricité, qui plaisent depuis toujours à ses fans invétérés, ont commencé à faire sourire un plus grand public; soudainement, être soi-même, sans gêne, c’est plutôt cool.

celine dion

Photo: Tom Munro

Céline est plus authentique et vraie que jamais, et c’est certainement l’une des raisons pour lesquelles L’Oréal Paris l’a contactée. «C’est un miracle, un honneur incroyable! Se sentir belle, c’est se sentir forte. Et se sentir forte, ça aide à réussir», précise-t-elle, encore sous le choc de la nouvelle. «Jamais je n’aurais cru qu’à 51 ans, je deviendrais une ambassadrice d’une institution de la beauté.» En fait, sa jeunesse a été marquée par une grande insécurité. Elle avait les dents croches, dit-elle, et était très maigre. Son poids a d’ailleurs fait jaser, au cours des derniers mois. En personne, pourtant, elle n’est ni frêle ni délicate. Elle est même plutôt athlétique, comme une gymnaste ou une ballerine – probablement parce qu’elle passe des heures à s’entraîner dans un studio de ballet. «Le ballet, c’est si romantique, dramatique, sensuel. C’est un rêve, pour moi!» explique-t-elle, ajoutant que si elle pouvait changer de place avec n’importe qui, ce serait sans aucun doute la ballerine Sylvie Guillem. «Et la danse, c’est difficile! J’étais justement à la recherche d’un défi.» Après des années de spéculations quant à son poids, Céline est tout simplement lasse d’en parler. «On critique constamment ma silhouette, mais le fait est que je travaille fort!» avoue-t-elle avec frustration.

C’est vrai: quatre fois par semaine, après deux heures folles d’une performance digne d’un marathon, Céline s’entraîne à la barre, accompagnée de l’une de ses anciennes danseuses, Naomi Stikeman, et improvise des chorégraphies avec son meilleur ami, le danseur, illustrateur et styliste Pepe Muñoz. (Son mouvement préféré? Le «fish», durant lequel le danseur est tenu près du sol par son partenaire.) Quand je lui demande comment elle trouve l’énergie de suer sur le plancher de danse juste après un spectacle survolté, la maman de René-Charles, 18 ans, et des jumeaux Eddy et Nelson, 8 ans, me répond: «Je dois prendre soin de ma voix, dormir et passer du temps avec mes enfants. M’entraîner après mes concerts, c’est la seule façon de faire tout entrer dans mon horaire!»

Elle n’a commencé que très récemment à explorer ses champs d’intérêt personnels, en dehors du show-business et de la maternité. «Au cours de ma carrière, on m’a souvent demandé ce que je faisais pour le plaisir. Pour être honnête, je ne comprenais pas trop ce que ça voulait dire, admet-elle en riant. J’en avais tellement dans mon assiette! Quand j’avais cinq minutes pour relaxer, je buvais un café ou je dormais! Ce n’est pas comme si j’avais le temps de faire de la peinture à numéros…»

Même si elle s’offre maintenant plus de temps pour faire des activités qu’elle aime, son horaire n’est pas moins étoffé. Après sa résidence à Las Vegas, qui prend fin en juin, elle lancera un album, puis entamera une tournée mondiale. «L’entièreté de ma carrière a été une folle aventure», explique-t-elle. À preuve: ses 26 albums studio, ses 250 millions de disques vendus, et sa présence dans la ville du Vice, qui à elle seule a popularisé l’idée d’une résidence dans le royaume des jeux de hasard. «Je n’ai jamais vraiment pensé à devenir une chanteuse… Je n’en ai pas eu le temps! J’ai débuté lorsque j’avais cinq ans, sur la table de la cuisine, chantant pour mes frères et sœurs. Puis, sur la place publique du village, pendant que ma mère me regardait par la fenêtre du restaurant dans lequel elle travaillait. Les gens ont commencé à l’appeler pour lui demander: “Est-ce que la petite fille chante ce weekend?”» Céline m’expose les moments les plus marquants de son incroyable ascension vers le sommet; l’écriture de sa première chanson, à 12 ans, aux côtés de sa mère, son apprentissage de l’anglais, sa première tournée mondiale qui, bien des années et plusieurs succès plus tard, l’a menée à performer dans une impressionnante salle de spectacle bâtie sur mesure par Franco Dragone, le directeur théâtral du Cirque du Soleil.

«Aujourd’hui, j’ai trois enfants, j’ai 51 ans, et c’est maintenant qu’on me parle d’un contrat en beauté? La prochaine fois, pourriez-vous y penser un peu avant?» s’exclame-t-elle, sarcastique, en s’esclaffant. Je lui réponds que, selon moi, le moment est parfaitement choisi. «Je crois que tu as raison, concède-t-elle. Durant ma vingtaine et ma trentaine, j’étais encore en train de me découvrir. Les gens décidaient tout pour moi: moi, je voulais seulement chanter! Aujourd’hui, je suis plus forte, plus groundée.» Elle ne me laisse pas le temps de réagir et entonne les premières notes du classique des années 1990 de Soul II Soul, Back to Life: «Steady are you re-eady? What’s going oooon?». J’ai des frissons pour la énième fois depuis le début de mon entrevue avec la star. Elle me parle ensuite de sa vie sur la route («La maison, c’est où se trouvent les gens que j’aime. Mais le sang qui coule dans mes veines est encore bel et bien québécois.»), de son envie de défiler sur les passerelles («Je suis prête!») et de comment elle balaie maintenant les critiques du revers de la main («Je porte ce que je veux, parce que je ne peux pas plaire à tout le monde, de toute façon. Tu n’aimes pas ma tenue? Attends de voir celle de demain, tu l’aimerais peut-être un peu plus!»).

Demain, Céline est de retour sur la scène – sa vraie maison. Son show, une succession de feux d’artifice et d’étincelles comme on n’en trouve qu’à Vegas, sera teinté de l’énergie unique, électrique, de la pop star. «Je danse sur mon propre rythme, et je suis mon cœur. Follow me, baby!» Toujours, Céline. Toujours.

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Dans les coulisses du shooting de Céline Dion pour ELLE

 

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