Sophie est infirmière aux soins intensifs. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle voit de très près les conséquences funestes de la COVID-19 : à l’hôpital universitaire où elle travaille, plusieurs patients sont infectés. Même si elle a dû redoubler d’ardeur au travail, le moral est bon.

Dans les hôpitaux, on avait déjà des trousses contenant tout l’attirail requis pour se protéger quand on a des patients atteints d’une maladie contagieuse qui projettent des gouttelettes volatiles dans l’air, comme l’Ebola par exemple, mais on n’avait à peu près jamais à s’en servir avant que n’arrivent les premiers cas de COVID-19.

C’est pourquoi quand il est devenu évident que le Québec n’y échapperait pas, vers la fin février, on a commencé à les sortir — tout était bien rangé, preuve qu’on ne les utilisait pas souvent ! — et à préparer le matériel, dont les fameux masques N95. Par la suite, tout a déboulé et ça s’est mis à chauffer. Il a fallu s’adapter, et vite.

Tellement de choses ont changé dans mon quotidien depuis que les premiers cas ont été diagnostiqués ici ! D’abord, tout l’hôpital a été reconfiguré par zones afin que les malades testés positifs à la COVID-19 ne soient pas en contact avec les autres patients. On retrouve différentes zones à l’intérieur même des soins intensifs parce que tous nos patients ne sont pas nécessairement infectés. Ça complexifie l’entraide entre collègues parce qu’on ne peut plus passer d’une zone à l’autre ; chacun reste de son côté de département pour éviter la contamination croisée autant que faire se peut.

Ce ne sont toutefois pas toujours les mêmes équipes qui sont affectées à la zone COVID, comme on l’appelle. Il faut comprendre que même si le stress est en général toujours présent aux soins intensifs, c’est deux fois plus épuisant de s’occuper des patients infectés par le nouveau coronavirus. D’abord parce qu’ils sont, de façon générale, plus malades et parce que l’équipement, notamment le masque N95, est vraiment très inconfortable.

Il ne faut pas non plus oublier le côté humain. C’est d’ailleurs ce que je trouve le plus difficile. On se retrouve souvent devant des patients en détresse psychologique, mais complètement isolés entre quatre murs, sans le soutien de leur famille. Parfois, il faut leur annoncer qu’on doit les intuber (donc avoir recours à une anesthésie générale) et on ne sait pas si on va être capables de les ramener. C’est très lourd.

De plus la crainte de l’attraper est toujours cachée quelque part. J’ai peur pour moi comme pour les miens. Je n’ai pas le goût d’être malade, c’est certain, ni de ramener la COVID-19 à la maison. Je ne suis pas dans la tranche d’âge des gens les plus à risque de complications, mais je sais ce que ça veut dire être intubé et je n’ai pas du tout envie de le vivre. Je pense que j’ai un bon système immunitaire, mais j’ai toujours la crainte de piger le mauvais numéro. On ne sait pas comment le corps va réagir à ce virus qu’on connaît mal. D’autant que quand on travaille aux soins intensifs, on fait toujours face aux pires cas. Alors ça m’habite toujours un peu même si j’essaie de me faire une carapace et de passer par-dessus.

Pour le moment, j’y arrive. On travaille fort, mais le moral est bon. Je suis chanceuse d’être en santé. Des gens ont besoin de moi. Ça fait partie de mon travail, et je suis heureuse de faire ma part dans cette crise.

(Les noms ont été modifiés). Propos recueillis par Jessica Dostie.

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