Au moment d’écrire ces quelques lignes, près d’un million de Canadiens ont rempli un formulaire de demande d’assurance-emploi dans la foulée du confinement. Il y a celles et ceux, aussi, qui composent avec la solitude et la pauvreté à tous les jours. Autant de cœurs battants qui viendront flotter dans la bouette en lisant mes phrases. Je reconnais mes privilèges et vous demande pardon.

Je vis seule et de ma plume, j’évolue dans un domaine précaire, mais je n’ai pas de bouche à nourrir. La crise du logement de Montréal ne m’affecte pas non plus, je vivrai sans la peur de me retrouver à la rue en rendant mes clés. Pourquoi m’apitoyer sur mon sort quand je peux prêter mes mots et ma tribune à ceux qui n’en ont pas? L’éboueur qui capture les mouchoirs potentiellement porteurs du génome au vol, la maman monoparentale du genre que Marjolaine Beauchamp cite en exemple, qui n’aura plus de quoi mettre dans son Kraft Dinner, la travailleuse du sexe écartée de toute prestation de chômage, cette dame qui, depuis son appartement grand comme une garde-robe, poussera un soupir de soulagement en voyant Gilles Kègle, l’infirmier bénévole et ange gardien de la Basse-Ville de Québec, atterrir au pas de sa porte les bras chargés de provisions. Même quand la vie est sur pause, l’entraide et la compassion ne sont pas mis à pied.

Je m’émeus tout autant des skypéros (ces chouettes 5 à 7 sur Skype), rince mon chagrin de larmes chaudes à l’écoute d’un concert virtuel de Lisa Leblanc, prépare ma plus belle tenue néo 90s en vue d’un Dua Lipa dance party programmé sur Zoom ce vendredi soir. Si Frida Kahlo a peint ses chefs-d’œuvre alitée, sa carcasse comprimée dans un corset, je sais qu’une solution nous pend toujours au bout du nez. Ça va bien aller.

Avec un peu de chance, la tendance des t-shirts à l’effigie d’Horacio Arruda sera de plus courte durée encore que le retour du choker en 2016. N’en déplaise à son éloquence et ses tartelettes portugaises, j’ai quand même très hâte de ne plus être prise à la gorge. De passer à autre chose et de me reconstruire.

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