Vous avez survolé en vitesse le dossier sur les femmes de l’année (p. 66 du Elle Québec édition février 2014) et vous voilà déçue: vous n’y êtes pas. Je comprends ce que vous vivez. J’ai la même réaction que vous face aux listes. C’est compulsif, je ne peux m’empêcher d’y jeter un oeil pour savoir si j’y suis. Que ce soit celle des plus beaux hommes du monde ou celle des chroniqueurs les plus influents du Québec, peu m’importe. Je me cherche partout. J’ai même consulté ce fameux palmarès des femmes de l’année, juste au cas. J’y brille par mon absence, comme on dit. J’avoue que c’est parfaitement normal, mais vous, pourquoi n’y êtes-vous pas?

Vous avez pourtant fait des choses admirables l’an dernier. Je vous ai vue. Les femmes de cette liste sont inspirantes, optimistes, combattives, fonceuses, rebelles, courageuses…et vous l’êtes aussi. Déjà, être femme suppose des compétences de base hors de la portée des hommes: marcher élégamment avec des talons hauts, même pompette, à la sortie des bars. Réussir à nouer en trois mouvements un grand foulard autour de soi pour y loger un bébé. Survivre à un cours de yoga «chaud».

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En fait, votre quotidien est truffé de gestes remarquables, même s’ils sont tout simples: je vous ai vue grimper aux barricades pour vous opposer à la venue d’un concours de mini-miss qui transforme des enfants en jeunes guidounes séductrices. Signer une pétition sur Facebook est une forme de protestation plus discrète que les gestes d’éclat des Pussy Riot ou du mouvement Femen. N’empêche, quand on atteint 50 000 signatures en quelques jours, le message est clair. 

Non seulement votre vie est complexe, mais vos loisirs sont éreintants et remplis d’embûches. Je vous ai vue au Zoo de Granby avec vos quatre enfants, en train d’essayer de faire manger le petit dernier pendant que le deuxième disparaissait au détour d’un sentier, que le troisième faisait de dangereuses acrobaties sur une clôture près des crocodiles et que le quatrième tentait de mordre un paon.

Je n’ai pas besoin de chercher bien loin pour trouver des femmes exceptionnelles: il y en a tout autour de moi. L’autre jour, j’étais chez une amie un peu pressée qui remplissait un sac de voyage tout en répondant à ses courriels et en se brossant les dents. Pour l’aider, j’ai tenté de faire enfiler à son enfant d’un an et demi son manteau d’hiver, sa tuque et ses bottes. Avec plus ou moins de succès. Je n’aurais jamais pu imaginer à quel point cette tâche, simple en apparence, demande une savante combinaison de dextérité, de patience, d’imagination et de tolérance aux hurlements. Quiconque réalise un pareil exploit en moins de deux minutes mériterait de figurer en bonne position sur la liste des femmes de l’année.

Peut-être n’y avait-il simplement pas assez de place sur celle de ELLE QUÉBEC. J’imagine qu’il a fallu faire des choix déchirants. Mais ne vous en faites pas: je suis certain que vous êtes en tête de liste des femmes de l’année de quelqu’un, quelque part.

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