Marie-Ève est urgentologue dans la région de Montréal et a appris il y a quelques jours qu’elle avait été infectée. Elle a depuis été hospitalisée. Voici son témoignage.

Comme tout le monde, j’ai observé de loin ce qui se passait en Chine. En tant que médecin, je me demandais si c’était aussi contagieux et grave que ça en avait l’air, mais c’est quand on a vu ce qui se passait en Italie qu’on a vraiment commencé à craindre le pire. De fait, il y a déjà plus d’un mois que des plans ont été élaborés dans les hôpitaux québécois.

À l’urgence où je travaille, nous avons rapidement instauré un questionnaire pour les patients avec des symptômes d’allure grippale, avec un protocole et des salles d’isolement pour les voyageurs. Et bien sûr, nous portons des masques. En dépit de toutes ces précautions, je pense que la transmission communautaire s’est peut-être installée plus vite que prévu et nous ne nous sommes pas assez méfiés des patients qui n’avaient pas voyagé. Encore à ce jour, je ne sais pas exactement quand j’ai pu être infectée.

J’ai commencé à éprouver des symptômes à la fin de mon quart de nuit il y a une semaine, le 24 mars. Vers 5 h du matin, je me sentais un peu fatiguée, j’avais mal à la tête et j’étais nauséeuse, mais c’était si subtil que j’étais certaine que ce n’était pas la COVID-19. J’ai quand même demandé un test de dépistage par acquit de conscience, d’autant que les symptômes ont rapidement évolué vers de la congestion nasale et un peu de toux sèche. Quatre jours plus tard, soit le samedi 28 mars, le verdict tombait : mon test était positif.

Je n’étais finalement pas surprise de ce résultat parce que mes symptômes s’étaient beaucoup accentués depuis les premières manifestations du virus. Le mercredi 25 mars, soit 24 heures après le début de la maladie, j’avais des maux de dos sévères et je ressentais énormément de fatigue. À certains moments, je pouvais dormir toute la journée.

Une semaine plus tard, le 31 mars, je suis désormais hospitalisée. En plus de l’essoufflement qui est apparu ces derniers jours, je ressens une grosse douleur au thorax. Évidemment, ça me rend anxieuse, d’autant que je suis asthmatique et bien au fait des complications possibles, qui surviennent souvent au cours de la deuxième semaine. Il faut que j’arrête de penser au pire.

Dès les premiers signes, je m’étais isolée au sous-sol dans l’espoir de ne pas contaminer mes trois enfants de 7, 10 et 12 ans et mon mari, mais même en prenant toutes les précautions qui s’imposent, le risque demeure pour eux. C’est qu’on ne sait pas à partir de quel moment j’étais contagieuse avant l’apparition de mes symptômes.

Ni mes fils ni ma fille n’ont de symptômes pour le moment. Ils sont toutefois toujours en confinement à la maison. Avant mon hospitalisation, je les observais jouer ensemble dans notre cour arrière et je trouvais ça beau. Nous nous étions même créé une routine de quarantaine avec des soupers thématiques et des soirées de jeux de société.

Mon mari a pour sa part commencé à tousser, mais au moment d’écrire ces lignes, son état lui permettait toujours de continuer à faire du télétravail.

J’ai l’intention de reprendre le travail dès que je serai guérie — d’ailleurs, mon horaire d’avril existe. En attendant, j’essaie de me reposer le plus possible.

(Les noms ont été modifiés). Propos recueillis par Jessica Dostie.

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