Il y a quelques numéros, cette page chantait les vertus du ménage. Ce mois-ci, je vous parle du lavage des fenêtres. À me regarder aller, on croirait que je suis un monsieur Blancheville, constamment le torchon à la main, à la recherche d’une tache rebelle à frotter. Si ma mère lisait cela, elle éclaterait d’un fou rire plus interminable que la pandémie. 

Je ne suis pas un maniaque du nettoyage, mais je sais quels coups de chiffon font toute la différence. Et parmi eux, il y a ceux qui font disparaître la couche de poussière qui s’est accumulée sur les vitres. Deux fois par an, je frotte mes fenêtres, et j’irais jusqu’à dire qu’il s’agit là d’un des meilleurs gestes de selfcare qui soient. 

La lumière, mes amis. La lumière qui entre en grande quantité. On avait oublié que c’était possible tellement on s’était habitué à ce que, chaque jour, un peu plus de crasse vienne se mettre dans le chemin.

Ça se passe progressivement. On commence le mois de mai en baignant dans les rayons du soleil comme des chats durant un après-midi tranquille, mais on finit le mois de septembre derrière un film de poussière, dans un halo gris qui sape sans avertissement un peu de notre joie de vivre quotidienne. C’est le plus sournois des malheurs, celui qui arrive lentement, qui s’installe sans dire un mot et qu’on ne remarque que lorsqu’on le fait disparaître.

Mais quand on le fait finalement, on découvre alors que ce n’est pas seulement la lumière qui était teintée d’un brin de déprime, mais aussi notre vision de l’extérieur. Ceux qui portent des lunettes connaissent cette sensation: «Oh! mon Dieu! Le monde était beau à ce point? Lumineux à ce point? Coloré à ce point? Il était plus que temps que je nettoie mes verres.»

Quand le froid arrive, je vais même encore plus loin: je lave mes fenêtres et j’en profite pour en retirer tous les moustiquaires, qui sont de véritables assassins de lumière. À quoi serviraient-ils, de toute façon? À me protéger des maringouins nordiques? Enlevez-moi ça du chemin! Le soleil peut continuer de se coucher à 3 h de l’après-midi, je vais profiter de chaque minute de sa présence.

Il y a une question de choix, là-dedans. On ne peut pas décider du temps qu’il fait ou influer sur la couche nuageuse. Tout ce qu’on a, c’est un rectangle transparent par lequel la lumière du dehors peut entrer. C’est le genre de chose qu’il faut protéger et traiter avec soin, en se rappelant qu’il suffit parfois de peu pour faire une grande différence. Une demi-heure de frottage et un demi-rouleau d’essuie-tout en échange d’une maison qui revit et nous fait revivre? C’est une offre qui ne se refuse pas.

Parce que le monde est beau et lumineux, même si on l’oublie facilement, parce qu’on sous-estime le pouvoir d’un salon ou d’une cuisine qui baigne dans les rayons du soleil et parce qu’il y a bien peu d’efforts à fournir pour obtenir de bons résultats, je place «laver les fenêtres» en 502e position de la liste infinie des choses qui font du bien.

Mathieu Charlebois est un ancien musicien viré journaliste, qui a viré chroniqueur politique, viré auteur d’humour écrivant maintenant sur le bonheur comme s’il connaissait ça.