Officiellement, je suis athée. Je crois qu’il n’y a rien en quoi croire. Que l’univers existe parce qu’il existe, et cessera un jour d’exister parce que c’est comme ça. Entre le début et la fin, il y aura eu des levers de soleil, des gens qui s’aiment, des Kraft Dinner réchauffés et des parties de Monopoly qu’on ne finit pas parce que c’est toujours trop long. Pourquoi tout ça? Pour rien. Ça ne fait pas de moi une personne plus intelligente qu’une chrétienne ou un musulman. De toute façon, si rien n’a vraiment de sens, à quoi bon me sentir supérieur à qui que ce soit? Ce n’est pas parce qu’on est là sans raison qu’il faut être désagréable pendant qu’on y est.

Il y a cependant des moments où ce n’est pas évident de concilier le fait que rien n’a de sens avec mon envie que l’existence en ait un.

Alors, même s’il n’y a rien en quoi croire, je choisis de croire en certaines choses.

Je crois, par exemple, que l’art arrive parfois à toucher à «quelque chose» de plus grand. Je crois que quand John Coltrane souffle dans son saxophone, sur A Love Supreme, il se branche directement sur un «quelque chose» qui le dépasse. Lui appelait ça «Dieu». Si c’est ce qui lui va, ce sera ça. Le nom m’importe peu. Ce qui compte vraiment, c’est que l’univers semble moins vide quand j’écoute ce disque.

J’ai une amie qui doit s’arrêter pour toucher les arbres quand on va marcher dans la nature. Elle pose sa main sur l’écorce, et elle entre en contact avec la forêt au complet. Je sais que c’est absurde, mais je sais aussi que c’est vrai. Pour elle, c’est vrai. Et pour moi également, pourquoi pas? Qu’est-ce que j’ai à perdre à sentir que les arbres, le ciel, moi et mon amie, au fond, tout ça, c’est la même chose? À part le risque de sonner comme un hippie, évidemment.

Je crois… non, je sais que rien de tout ça n’est réel. Dieu ne sort pas du saxophone de Coltrane, parce qu’il n’existe pas. Il n’y a pas de grande entité surnaturelle de la forêt, parce qu’aussi majestueux soient-ils, ce ne sont que des arbres. Mais je crois que d’y croire quand même rend notre passage sur terre meilleur. Est-ce une contradiction? Absolument! Mais dans un monde où rien n’a vraiment de sens, les contradictions sont sans conséquence. Alors, quand je sens quelque chose de «plus grand que moi» se manifester dans ma vie, je la laisse exister. Je n’ai pas besoin de savoir ce que c’est. Je n’ai pas besoin de savoir si c’est vrai ou si c’est seulement mon cerveau qui sécrète des hormones et crée du mystique là où il n’y a rien. J’accepte de vivre dans le mystère, parce que le réel est plus beau et plus lumineux ainsi. Tout devient plus précieux.

Ces moments de spiritualité (et, croyez-moi, ce n’est pas un terme que Mathieu l’athée pensait utiliser un jour pour parler de lui) me rendent meilleur envers mes comparses humains, et envers le monde dans lequel on habite tous. C’est pourquoi je place «croire» en 10e position de la liste infinie des choses qui font du bien.

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