J’ai été très heureuse quand j’ai appris le sexe de mon enfant à naître. Un gars! C’est tellement plus cool, les gars! C’est tellement plus simple, les gars! Je me suis toujours mieux entendue avec les gars. Quand j’étais petite, moi, je voulais être un garçon.

Quand je regarde des vidéos de jeunes filles – aux longs cheveux bouclés qui cascadent d’un casque jusqu’au milieu du dos – faire du skateboard avec les gars dans un skatepark, je trouve ça cool.

Toute mon enfance, je me suis vantée d’être one of the boys. J’avais de larges épaules, j’étais solide. Je faisais de la gym de compétition, j’étais forte, j’avais des bleus. J’étais donc la bienvenue quand il y avait de la chamaille de cours d’école, j’étais tough, j’étais capable d’en prendre.

C’est une chose sournoise que cette ombre qui plane au-dessus du nous et nous suit depuis notre jeune âge. Une espèce d’ombre dangereuse au dos courbé et à la capuche qui masque un visage chafouin.

Le mot dangereux est choisi avec sérieux, parce que c’est un danger de se sentir privilégiée d’être la fille qui est acceptée parmi les gars. Danger duquel je n’ai pas su me protéger.

Je n’ai pas su m’en protéger au primaire.

C’est tellement plus cool, un gars. T’sais, les filles sont espiègles. Sont méchantes. Sont pas solidaires. Elles parlent dans le dos les unes des autres.

Je n’ai pas su m’en protéger au secondaire.

C’est tellement plus simple, un gars. Je suis fière de m’entendre mieux avec eux. T’sais, les filles, ça parle de cheveux. C’est émotif, c’est cave. Au final, des filles, ça parle et ça se chicane pour des gars. Moi, je suis one of the boys.

Je n’ai pas su m’en protéger à l’âge adulte.

C’est tellement plus l’fun, un gars. Des gars. Je parle comme eux. Je parle de cul de façon crue. J’arrive à boire comme eux. Pis, je suis fière. Je connais mes joueurs de hockey. Ils m’acceptent. Je suis libre comme eux.

T’sais, les filles, ça se compare tout le temps. Ça se vole des gars. De toute façon, moi, j’ai les épaules super larges, je suis pas aussi belle ni aussi féminine qu’elles, je n’ai pas d’aussi beaux cheveux, faque elles vont parler dans mon dos. Je m’entends tellement mieux avec les gars.
Ce concept dangereux et sournois, je n’y ai pas échappé.

Je m’y suis vautrée, perdue et je me suis convaincue que j’étais privilégiée d’être one of the boys. Jusqu’au jour où je me suis rendu compte que ça faisait de moi – aussi impensable que ça puisse être – quelqu’un de misogyne.

Et j’ai eu énormément de peine.
Et je m’en suis voulu.
Et je ne me suis pas encore pardonnée. De ne pas avoir été solidaire.

La fois où j’ai arrêté de vouloir être un gars, c’est la fois où je me suis sentie le plus libre. Je me suis simplement sentie forte.
Capable d’en prendre. Privilégiée.
Femme. Et… Fière.

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