C’était il y a une décennie. Je rentrais d’une séance de magasinage dans une boutique pas très éthique du centre-ville, le genre d’endroit où ton vêtement bouloche dès que tu mets le nez dehors. Je n’ai pas toujours été quelqu’un de solitaire, mais, dans cette période de ma vie, j’étais recluse par choix. Comment dire… Je n’étais pas une ermite aux chats non plus, mais je pratiquais l’abstinence sociale de mon plein gré. Et le fait que je travaillais comme comédienne à temps plein sur deux séries quotidiennes me sortait juste assez de mon isolement pour que je ne sombre pas dans la folie.

Cette soirée-là, je me proposais de binge watcher (encore) la première saison de La Vie, la vie tout en restant connectée à mon chat Facebook. Je n’avais pas envie de voir physiquement des humains, mais clavarder avec eux, entre deux scènes où le cheveu savamment bouclé de Macha Limonchik happait mon œil, était encore tolérable.

J’étais confortablement installée dans mon sofa sectionnel brun chocolat en suède (super, j’avais du goût!), quand j’ai vu une boîte de discussion s’ouvrir en bas de page sur feu mon PC blanc. J’ai reconnu le nom de la belle blonde pimpante qui s’était affiché. C’était une comédienne, elle aussi. Nous étions amies internet (parce qu’on se connaissait, mais on ne s’était jamais vues).

On a échangé un brin, puis elle m’a invitée à l’accompagner au party de clôture des Rendez-vous Québec Cinéma… Je savais vaguement ce que c’était (j’arrivais à peine en ville), mais, pour une raison obscure, j’ai accepté. J’ai donc enfilé la guenille cheap que j’avais achetée plus tôt à trop fort prix et j’ai quitté mon logis pour aller rejoindre cette «inconnue».

Ç’a été la meilleure décision de toute ma vie.

Depuis, on ne s’est jamais quittées. On a pris des risques. On s’est plantées. On a mis fin à des relations malsaines. On a été amoureuses à nouveau. On a développé une passion commune pour les œufs McMuffin sans jambon. On a pleuré. On a voyagé (pour voir Cate Blanchett sur les planches, notamment). On a passé l’Halloween, même si on était des adultes. On a travaillé ensemble. Elle m’a appris à tricoter. On a demandé conseil l’une à l’autre. On a viré des brosses. (Bye-bye à jamais, téquila!) Puis, un jour, j’ai dépassé sa limite.

Je n’allais pas bien. Elle était ouverte à ma peine, chargée de rien d’autre que sa bienveillance. Mais plus elle voulait être là pour moi, plus je déversais sur elle mon fiel émotif. Et, au bout d’un moment, ç’a été trop pour elle.

Ce jour-là, j’ai cruellement manqué d’empathie pour engourdir mon mal. J’ai été égoïste, ce qui aurait pu être insurmontable pour bien des gens, mais ma meilleure amie, elle, est résiliente. Grâce à elle, j’ai pris la pleine mesure de mes agissements. Et elle m’a pardonné.

Je suis fière d’être l’amie de cette femme qui m’aime assez pour me dire la vérité sur ses sentiments, mais qui se respecte trop pour se laisser faire. Elle m’a inculqué, sans le savoir, des notions d’amitié inébranlables qui me suivront jusqu’à la fin de mes jours.

Mon amie m’a fait réaliser qu’elle était ma meilleure alliée. Surtout dans l’adversité.

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