J’ai quitté le bureau de ma patronne la gorge serrée, la face déconstruite par la colère, tentant de toutes mes forces de retenir mes larmes. Elle venait de m’annoncer que ma pause professionnelle de deux mois – de laquelle je revenais tout juste – avait «fragilisé mon brand». J’étais une marque? Un produit, vraiment?

Elle était la deuxième boss à me dire que mon arrêt de travail avait écorché mon «image de marque» et que, dans les hautes sphères de l’entreprise, certains cadres remettaient en question ma fiabilité. Comment pouvaient-ils envisager d’élaborer des projets avec moi maintenant que j’avais le mot «faible» étampé sur le front?

Je faisais partie de l’équipe de la télé matinale la plus regardée du Québec et j’avais travaillé fort pour faire mon chemin jusque-là. Mais en 2018, ma dépression, ma boulimie et mon alcoolisme étaient devenus hors de contrôle et menaçaient mon existence même. Le matin où, en route vers le boulot, j’ai prié pour me faire happer mortellement par un chauffard est celui où je me suis enfin choisie en m’accordant un temps d’arrêt. Ç’a été la décision la plus difficile que j’aie prise de ma vie, mais, viscéralement, je savais que c’était la bonne.

Je n’avais jamais envisagé la possibilité de me faire «shamer» sans scrupules par mes supérieures, des femmes que je respectais et admirais. On n’est pas censé être à l’ère de la «détabouïsation» des troubles de santé mentale? L’ère où, plus que jamais, il faut le dire, quand ça ne «feele» pas? Celle aussi où les femmes se soutiennent entre elles?

En remettant ma démission, je me suis juré que plus jamais personne ne me ferait me sentir petite et ridicule de prioriser ma santé. Cette pause professionnelle ne m’avait en rien fragilisée. Bien au contraire, elle avait consolidé mes fondations, renforcé mon amour-propre, raffermi mon estime personnelle et éveillé ma créativité. Elle avait dissipé le gris dans mon esprit et ramené l’éclat dans mes yeux. Cette pause professionnelle m’avait donné l’espoir d’une vie meilleure. M’accorder du temps, ç’a été la meilleure décision que j’aie prise et celle dont je suis le plus fière.

Aujourd’hui, quand je me regarde, je ne vois pas un brand. Le mot «faible» n’est perceptible nulle part en moi.

Ce que je vois plutôt, c’est une femme qui a eu le courage de se choisir.

Une femme qui décide de vivre plutôt que de survivre… Une femme qui ne cherche plus à plaire aux autres à tout prix. Une femme qui évolue dans un monde où la pression de l’image et de la performance occupe encore trop de place, mais qui s’assure, chaque jour, de ne plus laisser les étiquettes lui dicter ce qu’elle doit être.

Je vois mes rêves, que je ne repousserai plus, mais que je concrétiserai.

Je vois le bonheur. Je vois la santé. Ça n’a pas de prix! Je me vois, MOI, enfin! Pis maudit que j’aime ce que je vois.

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