Maxime, qu’as-tu pensé en visionnant la capsule de Sophie et Maripier?

Je suis toujours intéressée quand des gens parlent publiquement des problématiques de consommations, parce que ça ouvre le dialogue. Chaque personne a une trajectoire différente, et ça se peut que certains se reconnaissent dans le parcours de Maripier, qu’ils s’interrogent et réfléchissent à aller chercher de l’aide. Mais ça se peut aussi que d’autres personnes ne se reconnaissent pas du tout, même si elles vivent des difficultés et qu’elles auraient besoin d’aller chercher de l’aide. Ce n’est pas one size fits all, il n’y a pas un seul modèle de personne qui vit avec une dépendance, mais ultimement, c’est important d’en parler, quelque soit l’histoire.

Quelles sont les fausses croyances entourant les problèmes de dépendance?

Comme société, on a tendance à percevoir les personnes en situation de dépendance comme des lâches, des faibles. C’est pourtant beaucoup plus complexe que ça. Les personnes qui développent des problématiques ne le font pas parce qu’ils trouvent ça le fun. Leur consommation leur permet de répondre à un besoin. On est intelligents, nous, les humains: on ne veut pas souffrir et on veut avoir du fun. C’est généralement les deux raisons pour lesquelles on va consommer.

La pandémie a-t-elle eu un impact sur les problèmes de consommation?

Oui, on a remarqué une hausse d’appels pour nos services, et ce qui est apparent, c’est la détresse. Il y a eu plus d’appels de crises, des appels qui ont doublé en termes de durée. On a remarqué une comorbidité de plus en plus fréquente aussi, soit la présence de deux troubles, soit un problème de consommation et une problématique de santé mentale, ce qui crée un portrait clinique complètement différent.

Quand sait-on qu’il est temps de prendre action?

Le moment où tu te dis que ça n’a plus de bon sens peut arriver bien avant le bas fond pour certains. Donc, le fond du baril, le point de non-retour, c’est subjectif. Et ce n’est pas obligé d’être la déchéance totale. D’ailleurs, le simple fait de s’interroger veut dire qu’il y a quelque chose qui te préoccupe, qui te dérange, que tu veux qui change. Alors ça peut être un bon moment pour prendre action.

Et une fois qu’on est prêt à entamer une démarche, quelles sont les options qui s’offrent à nous?

Je pense qu’un organisme comme Drogue : aide et référence est une bonne première étape pour s’orienter, pour voir comment marchent les services au Québec et comprendre à quoi on peut avoir accès. C’est un bon guide. Il y a un réseau d’aide publique, à travers les centres de réadaptation en dépendance et les CLSC. Ensuite, il y a un réseau privé, qui inclut une panoplie de services, de thérapies, de désintoxications. Et il y a les services communautaires, comme les fraternités anonymes, qui misent sur la force du groupe. Tu discutes avec de personnes qui savent exactement ce que tu vis, qui ne te jugeront pas. Ce ne sont pas des professionnels, donc ce n’est pas une thérapie, c’est plutôt du soutien par les pairs. Pour certains, c’est très aidant, mais ça ne fonctionne pas avec tout le monde, alors il faut trouver la bonne approche pour soi.

À quoi peut-on s’attendre du processus de réhabilitation?

Ça va être difficile physiquement et psychologiquement, peu importe la dépendance, car on arrive à un point où on réalise que le moyen qu’on utilisait pour aller mieux nous fait sentir pire. C’est confrontant envers nous-même d’en arriver à cette conclusion. La société porte des stigmates, mais les individus en portent aussi envers eux-mêmes. Ils vont se penser faibles, pas capables, lâches. Ils vont passer par un processus qui s’apparente à celui du deuil : déni, colère, tristesse, et éventuellement, ils vont réaliser qu’ils doivent faire quelque chose, parce que le problème ne va pas se régler par magie. S’en suit un changement de mode de vie, à certains égards, des réflexions, des conversations, et des prises de conscience difficiles.

Et peut-on dire qu’on ressort guéri de ce processus?

Il y a des gens qui croient au concept de la guérison, au rétablissement, dépendant comment la personne perçoit ça. Moi, je vois plus ça comme un processus, un continuum, avec des hauts et des bas. Mais tu demeures toujours vulnérable, et pas nécessairement à la substance en tant que telle, mais à l’accès à des moyens faciles et efficaces pour répondre au besoin que cette substance-là comblait. C’est psychologique la dépendance, parce que ce n’est pas la faute de la substance si tu es devenu dépendant, sinon tout le monde qui aurait bu un verre d’alcool dans la vie serait dépendant. Ça demande donc un cheminement pour prendre conscience des raisons qui causent ta dépendance. Il faut faire preuve de non-jugement, avoir de l’acceptation pour ce que l’on a vécu. Le plus important est de ne pas se taper sur la tête, de ne pas se sentir coupable, la douceur est nécessaire.

Finalement, que puis-je faire pour aider un proche en situation de dépendance?

Le plus important, c’est d’ouvrir la conversation. Ce que l’on recommande, c’est de demander à l’autre comment on peut l’aider, ce qu’il aimerait qu’on fasse pour lui. Et il faut respecter que si on se fait dire non, on doit se retirer. Il se peut que la personne ne veuille pas de notre aide à nous, et il faut respecter ça, même si c’est difficile à accepter pour l’entourage, car l’humain déteste se sentir impuissant.

Votre consommation ou celle d’un proche vous préoccupe? Drogue Aide et Référence est un service gratuit et confidentiel disponible 24/7 par téléphone ou via clavardage.

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