Comment reconnaître les signes de violence sexuelle chez une personne de son entourage? 

« Ce qu’on observe, c’est que si les vécus d’agressions à caractère sexuel sont très différents d’une personne à l’autre, leurs conséquences, elles, sont plutôt similaires », précise d’emblée Gabrielle Caron, intervenante sociale au Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) Trêve pour elle. Suite à une agression, la personne victime peut présenter des changements sur plusieurs plans dont émotionnel – de la peur, de l’angoisse, de la honte – et physique – des troubles alimentaires, des grossesses et des ITS.

Avec le temps, les symptômes se cristallisent et peuvent prendre une toute autre forme. « La personne peut expérimenter des flashbacks, des cauchemars et de la dissociation. Elle peut aussi adopter des comportements autodestructeurs, comme la mutilation », ajoute Mme Caron.

Les signes de violence sexuelle ne sont toutefois pas toujours visibles. Des mécanismes de défense comme l’oubli et le refoulement peuvent dissimuler les effets d’une agression à caractère sexuel. « Il faut déculpabiliser les proches. Ça se peut qu’ils n’aient rien vu. Ça ne veut pas dire qu’ils sont de mauvaises personnes », souligne quant à elle la sexologue Maude St-Germain.

Quelles sont les différentes formes de violence sexuelle? 

La violence sexuelle, ce n’est pas seulement l’acte de forcer une personne à avoir des relations sexuelles. Les formes de violence sexuelle sont nombreuses et chacune compte elle-même des sous-catégories. La Fédération des maisons d’hébergement pour femmes en énumère plusieurs, allant de l’exploitation sexuelle d’une personne à des fins pornographiques au harcèlement quotidien au travail, à la maison et dans la rue. « La violence sexuelle, c’est aussi des blagues récurrentes, des commentaires déplacés ou encore des rumeurs qui visent à détruire la réputation d’une personne », explique Mme St-Germain.

Un critère demeure dans toutes les formes de violence sexuelle : il n’y a pas présence de consentement. Un sentiment de culpabilité, de malaise ou de peur suite à un geste jugé agressant peut aussi être un indicateur de violence sexuelle. « C’est important d’être à l’écoute de ce qu’on ressent », réitère Mme St-Germain.

Quelles attitudes adopter lorsqu’une personne confie qu’elle a été victime de violence sexuelle? 

Lorsqu’une personne se confie. C’est là une nuance cruciale. « Il est très important de ne pas forcer un dévoilement, insiste Mme Caron.  Même si on a des doutes, il faut respecter le rythme de la personne. » On peut lui souligner notre soutien et notre présence, sans pour autant lui imposer une confidence. En lieu de cela, le ou la proche peut, par exemple, saisir cette occasion pour s’informer sur la problématique des agressions à caractère sexuel. « En cas de dévoilement, on a alors certaines connaissances sur lesquelles s’appuyer », poursuit Mme Caron.

La discrétion et la réserve des proches de victimes de violence sexuelle ne devraient pas s’arrêter là, il en va de même pour ce qui est d’enclencher des procédures judiciaires. « Ce n’est pas le rôle du proche d’évaluer la situation, explique Mme St-Germain. Il faut qu’il ou elle respecte ce que la victime a envie de faire, même si ce n’est rien. »

Le plus important, c’est d’écouter la personne en prenant bien soin d’être objectif, d’enlever ses lunettes personnelles, souvent teintées d’idées préconçues et de stéréotypes. En ce sens, il faut laisser la victime s’exprimer dans ses propres mots et ne pas poser trop de questions. Le ou la proche doit aussi éviter de réagir trop fortement : ses émotions ne doivent pas prendre l’espace de celles de la victime. « Ce sont des attitudes pas toujours faciles, mais qui donnent des petits pouvoirs, tant au proche qu’à la personne victime », croit Mme Caron.

Quoi faire si on doute de la sécurité d’une personne victime d’agression à caractère sexuel? 

S’il est important de respecter les demandes de confidentialité d’une victime, il peut être tentant de contacter la police lors de situations où l’on craint pour sa sécurité. Toutefois, il s’agit là d’une solution de dernier recours, qui peut être très dommageable pour la personne concernée. « Ce sont des démarches très dures, qui vont brimer les droits de la victime pour assurer sa sécurité », explique Mme Caron.

Selon elle, la meilleure approche est celle qui se fait dans la transparence. « Lorsqu’on a des doutes raisonnables sur la sécurité de la personne, on lui fait d’abord part de nos préoccupations. Ensuite, si ça ne marche pas, on lui explique quelles seront nos démarches et on lui demande de nous accompagner dans celles-ci. » Ainsi, rien ne se fait dans le dos de la victime et le lien de confiance entre les deux partis n’en est que plus renforcé.

Comment se protéger soi-même?

Les proches, c’est l’angle mort de la problématique des agressions à caractère sexuel. Entre la charge émotionnelle d’un dévoilement et la pression (souvent infligée par soi-même) d’accompagner la victime dans de longues et douloureuses démarches, les proches souffrent parfois plus qu’ils ne le laissent paraître. « Un dévoilement, ça peut jouer dans les problèmes personnels du proche. La personne a peut-être déjà vécu de la violence sexuelle. Ça peut la chambouler, la remettre en question sur ses expériences passées ou ses propres comportements », illustre Mme St-Germain.

La sexologue insiste : un proche peut et doit imposer ses limites. S’il se sent dépassé par la situation, il existe des solutions pour préserver sa santé mentale, tout en respectant les demandes de la victime. « Le ou la proche pourrait demander de contacter des ressources qui respectent la notion de confidentialité, par exemple une ligne d’écoute. »

La plupart des CALACS offrent des services pour les proches des victimes d’agressions à caractère sexuel. Des groupes de soutien, des lignes d’écoute et la consultation professionnelle font aussi partie de l’éventail de ressources accessibles pour les proches. Une chose est certaine : tout le monde a le droit à de l’aide. « Les proches, comme ceux qui se font dénoncer, conclut Mme St-Germain. C’est en guérissant chacun nos blessures qu’on va pouvoir vivre en paix, dans un monde moins empreint de violence. »

Ligne sans frais pour les victimes d’agression sexuelle (partout au Québec) : 1 888 933-9007

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