Ce n’est pas faute de choses intéressantes à dire sur le sujet. À preuve, le reportage Diversité culturelle dans les médias: et maintenant?, signé par ma collègue Mali Navia le mois dernier dans ELLE Québec.

Pour ceux d’entre nous qui ont grandi sans vraiment avoir de représentation, se reconnaître est salvateur. Chaque fois que j’ai vu mon capharnaüm identitaire dans les autres, j’ai goûté au sentiment d’appartenance.

Évidemment, si aujourd’hui le bâton de la parole circule un peu plus, c’est grâce à la «conversation sur la diversité», avec tout ce qu’elle peut comporter de tensions, de malaises et de maladresses. Dans cette cacophonie, l’hostilité résonne souvent plus fort que la solidarité, et parfois, il faut que je me rappelle que tant qu’on avance, c’est la preuve que la solidarité est en avantage numérique.

Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’on a touché le fond de ce qu’il était tolérable de nommer en matière de «diversité». Déjà, ce mot fourre-tout semble contenir plus d’espace de rangement que le VUS d’une famille férue de camping dans une pub rythmée et entraînante. La diversité est de genre, elle est sexuelle, corporelle, culturelle, socio-économique, et tant de choses encore. Nous sommes si nombreux dans la marge que ça doit être épuré rare du côté de la «norme».

Si la conversation sur la diversité m’ennuie, c’est justement parce qu’elle sert de diversion pour éviter de parler des mécanismes de pouvoir qui perpétuent une flagrante homogénéité en dehors de «la marge». 

Certes, il y a plus de femmes là où les hommes ont régné en rois, plus de peaux aux teints différents à la télé, plus d’accents à la radio, plus de diversité sexuelle et de genre dans les téléséries, plus de réalités socio-économiques mises en lumière, mais plus on grimpe dans l’échelle du pouvoir socioculturel et économique, plus il devient clair que les dés sont pipés.

Ce n’est pas la compétence, mais le biais d’affinité qui ouvre le plus de portes. Le pouvoir est hérité plus souvent que mérité. Mais il ne faut surtout pas froisser ceux à qui ces mécanismes bénéficient, sans quoi ils pourraient ne plus avoir envie de nous inclure.

Alors, à quoi riment toutes ces conversations et ces initiatives d’inclusion si le rapport de force est intouchable? S’il faut continuer d’attendre la main tendue comme on attend la charité?

Le Québec est indéniablement pluriel et la conversation sur la diversité, certainement nécessaire. Je suis fière de la solidarité qui porte nos voix plurielles, mais je n’oublie pas que le premier ministre qui s’autoproclame «de tous les Québécois» peut encore défendre sans hésitation un ministre de l’Immigration qui ment au sujet de l’immigration et que les deux ont été réélus quelques jours plus tard. Si le pouvoir est si audacieux, c’est qu’il sait qu’il ne risque pas grand-chose tant que l’impératif d’inclusion se joue dans la basse-cour. Quand celui-ci s’invite dans les hauts lieux du pouvoir, on l’accuse rapidement de menacer la cohésion sociale.

Notre traditionnelle quête du consensus se fait toujours un peu aux frais de l’équité. C’est déjà controversé de revendiquer des galas moins blancs, des palmarès musicaux moins masculins et des téléréalités moins hétéronormatives. La conversation sur la diversité s’assure toujours de rester unidirectionnelle pour ne pas devenir une conversation sur le pouvoir.

Dans le reportage de Mali Navia, l’acteur et dramaturge Mani Soleymanlou se demande comment on fait pour avoir un projet social collectif si nous sommes tous occupés à nous définir individuellement. Je ne sais pas. Mais plus l’identité individuelle se définit, plus il m’apparaît évident que ce qu’on appelle la diversité est la plus puissante des normes.

Manal Drissi est une chroniqueuse et une autrice exilée dans la forêt. 

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