Dans son entrepôt de 200 000 pieds carrés au sud de San Francisco, The RealReal détient la clé de son succès. Sur les rayons qui s’étendent à l’infini, des escarpins J’adior, best-sellers instantanés de la maison Dior depuis leur lancement au printemps 2017, côtoient le cabas dernier cri de Celine et un pull en coton ouaté arborant le logo de Supreme, marque de prédilection des adeptes de sportswear chic. On y trouve de tout, du moment qu’on aime le luxe et les marques hype, de la jupe Maje au rarissime sac à main Chanel en alligator, à 33 000 $ et des poussières, et jusqu’au vase en cristal Baccarat. Dans ce temple consacré aux articles d’occasion, véritable paradis des modeuses, l’entreprise accumule des centaines de milliers de vêtements, de sacs, de chaussures, de montres et de bijoux griffés, de même que des meubles et des objets de designers. Mis en consignation par des particuliers, tous seront authentifiés par une équipe d’experts avant de trouver un nouveau propriétaire, qui leur donnera une deuxième (voire une troisième ou une quatrième) vie. En 2018, l’entreprise a expédié d’un bout à l’autre de la planète plus de 3 millions de morceaux – signés Hermès, Gucci, Prada ou Louis Vuitton – provenant d’un de ses entrepôts, un en Californie et deux au New Jersey. Les résultats – et les 275 millions de dollars de chiffre d’affaires enregistrés cette année-là – le prouvent: le marché de la revente a le vent dans les voiles. Et parmi les innombrables sites qui offrent des pièces et des accessoires de luxe usagés, avec plus ou moins de crédibilité, The RealReal fait figure d’autorité. Incursion dans l’univers d’une entreprise adulée des fashionistas qui façonne le marché de la mode d’occasion.

BRYAN DALE

La boutique de Melrose Avenue, à West Hollywood.

L’essor de The RealReal

Lancé en 2011 à San Francisco, le site de consignation est arrivé à point nommé, profitant d’une industrie circulaire en pleine campagne de séduction. Alors qu’eBay dominait jusqu’ici le marché, en vendant tout et (surtout) n’importe quoi, des entreprises comme Vestiaire Collective et thredUP, ou LXRandCo au Canada, ont commencé à changer la donne en offrant une sélection affinée de vêtements et d’accessoires, dont l’authentification est certifiée par des experts. The RealReal s’est imposée très tôt comme un acteur clé, en vendant pas moins de 250 000 pièces durant ses deux premières années d’existence. Incontestablement, Julie Wainwright, la fondatrice du site, a flairé le bon filon. Son physique menu et son sourire angélique, encadré par un brushing impeccable, cachent une force de la nature, qui sait repérer les occasions lorsqu’elles se présentent à elle. Après avoir dirigé sept entreprises, avec plus ou moins de succès, elle a l’idée de mettre en place un dépôt-vente sur Internet en voyant une amie acheter des pièces en consignation à l’arrière d’une boutique de luxe et dépenser plus de 6500 $ en 20 minutes. Son concept: d’un côté, faciliter le processus de revente au meilleur prix possible et, de l’autre, garantir un magasinage sans risque. Neuf ans plus tard, The RealReal emploie 2000 personnes d’un bout à l’autre des États-Unis, recense des millions de consignataires (et autant de clients) et possède trois boutiques réelles, dans les quartiers branchés de New York et de Los Angeles. Ce printemps, la société compte d’ailleurs ouvrir une quatrième enseigne, à San Francisco, sa «ville natale», tant la demande est forte. Dire que les affaires marchent bien est un euphémisme: depuis ses débuts, The RealReal a vendu plus de 11 millions d’articles en tous genres (dont une broche sertie de saphirs et de diamants, du créateur américain Joel Arthur Rosenthal, qui s’est envolée à plus de 195 995 $ US, soit plus de 260 300 $ CA, un record!). Au cœur de cette prouesse? Une capacité à stimuler le désir: celui des clients qui veulent dénicher la perle rare dans un océan de vêtements et d’accessoires. L’avènement d’Instagram – qui nous bombarde de logos et de tendances – a sans aucun doute permis de rendre la mode accessible au plus grand nombre, tout en titillant notre besoin d’arborer des pièces tant convoitées, comme le sac 1955 Horsebit, de Gucci, ou les mules à talons BV Lido, de Bottega Veneta, qui font un carton auprès des influenceuses. En facilitant l’accès à une garde-robe de luxe à moindre prix, The RealReal attire dans ses rangs le bassin florissant des milléniaux, premiers acheteurs des articles d’occasion, qui n’hésitent d’ailleurs pas à mettre le prix pour arborer une pièce griffée d’occasion. Et puis, en fin de compte, il est toujours possible de revendre sur le site les morceaux dont on s’est lassé… avant de s’en procurer d’autres avec l’argent qu’ils auront rapporté. L’entreprise, parfait exemple d’économie circulaire, boucle la boucle avec brio.

BRYAN DALE

À West Hollywood.

L’authentification, un procédé laborieux

«En recevant tous les articles, on est en mesure de les analyser minutieusement et de les authentifier», explique Allison Sommer, directrice des initiatives stratégiques à The RealReal, qui a à son emploi non seulement une centaine de spécialistes de mode, mais aussi des gemmologues, des horlogers et des conservateurs d’art afin d’analyser chaque pièce, accessoire et objet qui sera ensuite vendu sur la plateforme. Le but: déceler les contrefaçons qui pourraient mettre à mal le commerce. Dans les entrepôts de l’organisation, des experts en blouse blanche vérifient avec précision les sacs griffés, les robes de luxe et les bijoux précieux, à la recherche d’un signe inhabituel, même le plus infime, que ce soit une erreur typographique sur l’étiquette, une couture pas tout à fait droite, un diamant qui ne pèse pas son poids ou le sceau d’une marque estampillé un demi-pouce à côté de l’endroit où il devrait être. Le travail, fastidieux, n’est pas une science exacte et The RealReal en a subi les conséquences l’été dernier lorsqu’un rapport de la chaîne de télévision américaine CNBC a dévoilé que certaines pièces griffées étaient en réalité fausses. Avec 2,6 millions de nouveautés en 2018, il est facile d’imaginer le travail colossal qu’une telle vérification demande, surtout lorsque les contrefaçons sont de mieux en mieux faites. Devant le nombre limité d’experts, les pièces présentant un faible risque sont, d’après CNBC, plutôt analysées par les rédacteurs, chargés de créer la fiche du produit, ce qui peut évidemment conduire à des erreurs. Reste que, dans l’industrie de la mode – la plus polluante du monde, après le secteur pétrolier –, The RealReal n’est pas le problème mais bien la solution.

THE REALREAL

Processus de vérification.

L’écoresponsabilité, au cœur de son identité

«Chaque seconde, on brûle l’équivalent en tissus d’un camion à ordures ou on le jette dans un site d’enfouissement, explique Allison Sommer, citant un rapport de la Fondation Ellen MacArthur. En permettant de prolonger la durée de vie d’un vêtement, une entreprise spécialisée dans les articles usagés est fondamentalement écoresponsable. Nos clients sont d’ailleurs de plus en plus conscients des bienfaits écologiques de la revente, et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles la majorité d’entre eux magasinent et déposent des articles en consignation chez nous.» The RealReal souhaite changer nos habitudes de consom- mation… et encourager une mode circulaire sur tous les plans. Pour ce faire, elle a signé un partenariat avec deux grands noms de l’industrie, Stella McCartney et Burberry, afin d’inciter les consommateurs à revendre leurs vêtements et leurs accessoires griffés moyennant une compensation auprès de ces deux marques (une carte-cadeau de 100 $ US, à dépenser dans les boutiques de la première, et une expérience unique de magasinage chez la seconde). L’idée, même si elle favorise l’achat de nouveautés, permet aussi – et surtout – de remettre en circulation des pièces qui auraient été soit jetées, soit délaissées. Après l’annonce de la collaboration avec Stella McCartney, le nombre de vêtements et d’accessoires de la griffe britannique a d’ailleurs augmenté de 74 % sur le site de The RealReal. Lorsque deux acteurs de l’industrie joignent leur force pour encourager une consommation écolo, l’effet se fait sentir. «Stella a toujours été en avance sur son époque: elle reconnaît l’importance de garder les pièces de luxe en circulation et la capacité des articles usagés à rendre la mode plus écoresponsable», assure Allison Sommer. Interrogés par la société, 60 % des clients et des consignataires ont d’ailleurs dit vouloir acheter plus de pièces d’occasion dans la prochaine décennie, tandis qu’un peu plus de la moitié de la clientèle souhaitait réduire ses achats auprès d’enseignes de prêt-à-porter rapide. Les mentalités sont manifestement en train de changer, et la consignation apparaît comme l’une des solutions majeures pour renflouer sa garde-robe – ou, au contraire, se débarrasser du superflu griffé – sans culpabiliser. Et pour ça, on peut remercier The RealReal!

Nos adresses coup de cœur au Québec

Zoom sur nos sites et nos boutiques d’occasion préférés.

Deuxième édition

Mode The RealReal

Instagram @deuxieme_edition

Ruse

Mode The RealReal

Instragram @ruseboutique

 

 

LXRandCo

Mode The RealReal

Instagram @lxrco

Love that Bag etc.

Mode The RealReal

Instagram @lovethatbagca

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