En quittant le boulevard Céline-Dion, à Repentigny, il faut avoir l’oeil attentif. La clinique du Dr Alain Dansereau, sise entre un restaurant de la chaîne Casa Grecque et le Saint-Laurent, est à peine visible de la rue. Il faut passer un portail en fer forgé pour découvrir le manoir de style néocolonial. Des chérubins en plâtre accueillent les clients, dont plusieurs affectionnent particulièrement l’anonymat des lieux. Au dire du Dr Dansereau, des dizaines de personnalités québécoises – chanteurs, acteurs, animateurs ou politiciens – visiteraient périodiquement l’endroit. Mais le Botox n’est plus l’apanage des stars. «Je suis prêt à parier que plusieurs personnes de votre entourage y ont recours sans que vous le soupçonniez», me dit le dermatologue, pendant qu’il me montre les photos «avant» et «après» de ses patients, dont 15% sont des hommes.

«Quand j’ai commencé à injecter du Botox en 1997, le phénomène était encore marginal, raconte-t-il. Plusieurs craignaient d’avoir le visage complètement figé et d’être incapables d’afficher une seule expression. Mais les techniques se sont raffinées et l’expertise s’est développée. Vers 2005, la popularité des injections a décuplé.»

Les chiffres compilés par l’American Society of Plastic Surgeons lui donnent raison. Le Botox, beaucoup moins intimidant que le scalpel, arrive en tête des procédures offertes par la médecine esthétique. En 2012, 6,1 millions d’Américains en auraient utilisé, soit presque deux fois plus qu’en 2005. Au Canada, de telles statistiques n’existent pas; néanmoins, la multiplication des cliniques montre que l’engouement pour ce produit a bel et bien traversé la frontière. Et après avoir gagné l’Amérique du Nord, ainsi que l’Europe, les injections se taillent maintenant une niche en Asie, où le marché est en pleine effervescence. On prédit que les ventes mondiales croîtront de 14 % par année pour atteindre 2,9 milliards de dollars en 2018.

 

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Toute une toxine!

Et dire que c’est par hasard qu’un couple de médecins de Vancouver a découvert que cette toxine, sécrétée par la bactérie responsable du botulisme, pouvait lisser les rides. En 1987, l’ophtalmologiste Jean Carruthers l’injectait à ses patients pour calmer les blépharospasmes, des contractions involontaires des paupières. La Dre Carruthers a constaté qu’une fois que les muscles étaient figés les rides autour des yeux de ses patients s’aplanissaient. Une observation qu’elle s’est empressée de partager avec son mari, le dermatologue Alastair Carruthers.

«Le Botox est une protéine neurotoxique, explique le Dr Dansereau. Quand on l’injecte dans un muscle, elle bloque l’influx nerveux qui arrive normalement jusqu’à lui. C’est comme ça qu’on empêche le front de plisser ou les sourcils de froncer. » La toxine met environ de quatre à cinq jours pour accomplir son boulot et son effet dure quatre ou cinq mois, après quoi il faut se soumettre à de nouvelles injections pour tenir les rides à l’écart.

Traditionnellement, le Botox a été utilisé dans le haut du visage pour lisser les rides de la glabelle (entre les sourcils), qu’on appelle aussi la «ride du lion», ainsi que les pattesd’oie (sur le côté des yeux) et les rides du front. Depuis quelques années cependant, les usages se multiplient.

Les médecins l’utilisent pour remonter le bas du visage, en détendant les petits muscles qui tirent les coins de la bouche vers le bas, par exemple. Ils arrivent aussi à adoucir des joues trop proéminentes, en relaxant le muscle masséter (celui qui se contracte quand on grince des dents). Ils parviennent même à rajeunir le cou en délassant le muscle platysma (qui s’étire en bandelettes, de la mâchoire jusqu’au haut de la clavicule). «C’est ce qu’on appelle le lift de Néfertiti, en l’honneur de la reine égyptienne dont le cou, selon la légende, était aussi long que lisse», précise la Dre Geneviève Blackburn, une omnipraticienne qui exerce la médecine esthétique depuis trois ans dans un loft aux allures branchées du Vieux-Montréal.

Pour réussir l’intervention dans le bas du visage, fait-elle valoir, il faut être pro: «Le médecin qui fait ces injections doit maîtriser parfaitement l’anatomie du visage de son patient. Certains muscles, les abaisseurs, tirent nos traits vers le bas. D’autres, les élévateurs, les remontent. C’est un jeu de poulies. Il faut injecter quelques gouttes ici, quelques gouttes là, pour rééquilibrer les expressions de la figure, sans la figer.»

 

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Les risques des piqûres

Même les médecins les plus aguerris se heurtent parfois aux pièges de l’anatomie. «Il arrive que les muscles des deux côtés du visage ne réagissent pas exactement de la même façon et qu’on observe un léger déséquilibre, comme un sourcil plus haut que l’autre, raconte le Dr Dansereau. Heureusement, on peut corriger le tir grâce à de petites injections complémentaires. »

Plus embêtant encore, il arrive – dans seulement 1% des cas, mais tout de même! – que quelques molécules de toxine migrent au-delà de la région ciblée, de l’arcade sourcilière jusqu’à la région de l’oeil, par exemple. Le muscle qui tire normalement la paupière vers le haut n’arrive alors plus à faire son travail. Le patient se retrouve donc avec un oeil à demi fermé… pour quelques semaines. Les gouttes qu’on administre aux personnes atteintes d’un glaucome peuvent aider le muscle à se relever, mais pas parfaitement. Il est aussi arrivé à quelques reprises que la toxine, injectée au niveau du cou, ait migré et paralysé des muscles essentiels à la déglutition ou à la respiration. Des patients ont dû être intubés!

Pour éviter ce déplacement des molécules, on conseille aux patients d’éviter d’exercer quelque forme de pression que ce soit sur leur visage pendant les trois heures suivant les injections. Ils doivent s’abstenir de se frotter les yeux, de se coucher ou de porter un casque de moto.

 

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Heureusement, clament les médecins, les effets du Botox sont réversibles. Sauf que… À force d’être paralysé, un muscle peut finir par s’affaisser et s’étirer. À la longue, une partie du tissu contractile pourrait même être remplacée par du gras, selon une étude menée à l’Université de Calgary. «Il est important de ne pas toujours faire les injections au même endroit, car le muscle risque de s’atrophier », explique le Dr Jean-François Tremblay, dermatologue et propriétaire de la clinique MédIME, au très chic Sanctuaire du Mont-Royal, à Montréal. «L’essentiel, c’est de ne pas figer complètement le muscle, mais plutôt de le détendre légèrement. De toute façon, nos patients ne veulent pas perdre leurs expressions. Ils veulent se faire dire qu’ils ont l’air reposé. Et non: « Chez qui t’es passé? »»

Outre une étude réalisée à l’université de Calgary (qui portait sur des lapins), aucune recherche n’a montré que le Botox pouvait avoir des effets néfastes à long terme sur la santé. Les médecins qui injectent la toxine se font évidemment rassurants. «Le Botox est utilisé depuis 20 ans pour traiter les spasmes musculaires chez les patients atteints de paralysie cérébrale, fait valoir le Dr Tremblay. Dans ces cas-là, on utilise des doses de loin supérieures à celles qu’on injecte dans le visage pour des raisons esthétiques. Et aucun effet délétère à long terme n’a été rapporté. On ne peut jamais dire jamais, mais le corps médical n’a aucune inquiétude au sujet de l’aspect sécuritaire de ce produit.»

Selon la Dre Geneviève Blackburn, se faire injecter du Botox sera un jour aussi banal que de se faire teindre les cheveux: «Tout ce qui est nouveau suscite de la méfiance au début. Et puis, ça finit par entrer dans les moeurs. Ce sera pareil pour le Botox.» Bientôt, il ne fera plus sourciller personne…

 

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Botox acide hyaluronique = le cocktail gagnant

Il est de plus en plus fréquent que les dermatologues utilisent conjointement le Botox et l’acide hyaluronique pour rajeunir les traits de leurs patients, car ces produits ont des effets complémentaires.

Alors que le Botox empêche les muscles de se contracter, l’acide hyaluronique, lui, comble les sillons déjà formés. Il s’agit d’un gel biodégradable, dont l’effet dure de 6 à 12 mois, selon qu’on utilise des formules fluides (et moins durables) ou des gels plus denses. Il est connu sous différentes marques de commerce, dont Juvéderm, Restylane ou Esthelis.

«L’acide hyaluronique, on le trouve naturellement dans l’épiderme, précise le Dr Alain Dansereau. C’est lui qui donne à la peau son élasticité et son aspect rebondi. Dès la vingtaine cependant, les réserves naturelles commencent à diminuer et la peau devient plus flasque.» Toujours à la recherche de la fontaine de Jouvence, l’industrie cosmétique a trouvé le moyen de recréer la molécule en laboratoire.

En général, les médecins injectent l’acide hyaluronique plus fluide dans les petites lignes autour des lèvres. Les gels plus denses viennent remplir les sillons nasogéniens (qui vont des ailes du nez jusqu’aux commissures des lèvres) ou encore les rides de la marionnette (lignes verticales qui se forment sous les commissures des lèvres). L’acide hyaluronique peut aussi servir à combler le volume des joues, du menton ou des lèvres. Contrairement au Botox , il donne un résultat visible immédiatement.

«Les patientes commencent le plus souvent par le Botox, mais étant donné les limites du produit, elles choisissent souvent de combiner le traitement avec l’acide hyaluronique, dit la Dre Geneviève Blackburn. Ces deux types d’injection marchent la main dans la main.»

 

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Elles l’ont déjà fait

Selon les médecins rencontrés, la plupart des femmes qui ont recours au Botox ont reçu leur première injection quand elles avaient de 35 à 40 ans. Quelles sont leurs motivations? Principalement avoir l’air jeune ou reposée, comme en témoignent les personnes suivantes.

Sophie, 45 ans conseillère en finances personnelles
«J’espérais être assez forte pour résister, mais cette année, à 45 ans, j’ai succombé. Je ne fume pas, je mange bien, je fais du sport… J’ai toujours trouvé que j’avais l’air jeune pour mon âge. Le hic, c’est qu’avoir 45 ans aujourd’hui ne veut plus dire la même chose qu’il y a 10 ans. Il faut avoir l’air plus jeune pour rester dans le coup.»

Anissa, 38 ans, enseignante
«Quand j’ai commencé à utiliser du Botox il y a sept ans, j’étais ravie: j’avais l’air plus jeune et plus fraîche. Aujourd’hui, je réalise que j’ai mis le doigt dans un engrenage infernal. Non seulement je ne tolère plus mes petits défauts – je fais enlever toutes les rides qui ne me dérangeaient pas avant -, mais ça me coûte de plus en plus cher.»

Rose-Marie, 48 ans vendeuse dans une boutique de lingerie
«Personne dans mon entourage ne sait que je recours au Botox. Pas même mon mari. Je ne fais que quelques injections pour avoir un visage reposé. Je ne veux pas avoir l’air plus jeune que mon âge; je veux avoir l’air « bien » pour mon âge. C’est ça, la victoire ultime: quand les autres croient que c’est naturel.»

Laetitia, 42 ans hygiéniste dentaire
«Il y a quelques années, j’ai fait lisser ma ride du lion. Au début, j’étais heureuse du résultat. On me disait que j’avais l’air reposée. Puis, je me suis rendu compte que j’étais en train d’avoir de nouvelles rides d’expression sur le front, alors que je n’en avais jamais eu! J’ai donc arrêté le Botox.»

Myriam, 37 ans, avocate
«J’ai reçu mes premières injections à 31 ans. Au début, j’y ai surtout recouru par curiosité. Mais depuis, je suis devenue accro. Je vais à la clinique tous les cinq mois environ. Dès qu’une nouvelle ride se manifeste, je demande à ma dermato de la faire disparaître. Je vois ça comme de la prévention. Si je peux m’éviter une chirurgie pour me faire remonter le visage à 50 ans, tant mieux!»

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Avant de faire le saut

Vous pensez à tester le Botox? Voici des questions à vous poser avant de passer à l’acte.

«En ai-je vraiment besoin?» Les rides sont-elles vraiment un frein à votre bonheur? Y a-t-il un autre moyen que le Botox pour vous aider à retrouver confiance en vous ou pour vous réconcilier avec votre image? Pour certains, une première intervention esthétique est le premier pas vers une insatisfaction chronique et une dépendance à la chirurgie esthétique. Ça mérite réflexion…

«Quel médecin dois-je choisir?» Il faut d’abord s’assurer que c’est vraiment un médecin qui fait les injections (il suffit de consulter le site du Collège des médecins pour le savoir), car il existe des charlatans qui s’improvisent experts et qui utilisent du faux Botox vendu dans Internet…

En ce qui concerne le professionnalisme et la dextérité dudit médecin, on peut vérifier si l’esthétique constitue sa pratique principale (il aurait donc une formation spécifique) ou si c’est un «à côté». Le bouche à oreille est aussi une bonne source d’information. A-t-il bonne réputation? Ses patientes sont-elles satisfaites? Ont-elles eu de mauvaises surprises au moment de payer la facture? Le médecin pousse-t-il à en faire toujours un peu plus, ou respecte-t-il les attentes des clientes?

Enfin, il vaut mieux privilégier les injections dans un cabinet médical, plutôt que d’assister à des «partys de Botox» où des copines se réunissent, boivent un verre et se font lisser les traits. «Notre code de déontologie exige que nos patients puissent faire un choix libre et éclairé, explique le Dr Jean-François Tremblay, de la clinique MedIME. Je ne crois pas qu’une jeune femme puisse faire un tel choix quand elle sirote un cocktail avec un groupe d’amies.» Le dermatologue ajoute qu’un traitement médical devrait se faire dans un environnement adéquat. «Le Botox doit être gardé au froid, il faut désinfecter la peau avant les injections… Un salon de coiffure, ce n’est pas l’endroit idéal.»

«Combien ça va me coûter?» Les traitements, assez onéreux, doivent être répétés tous les quatre ou cinq mois. Le budget dédié au Botox est donc un élément important à prendre en considération. Pour établir ce budget, voici la fourchette de prix à laquelle il faut s’attendre:

Pattes-d’oie: de 150$ à 200$ si elles sont peu prononcées. Jusqu’à 400$ si elles sont plus prononcées.
Glabelle (ride du lion): de 200$ à 500$. Exceptionnellement, jusqu’à 700$ pour les hommes dont la musculature est très forte.
Front: de 100$ à 200$.
Cou: de 300$ à 500$.

 

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