Les adaptogènes sont des plantes ou des champignons – comme le ginseng, la maca et l’aloe vera – qui sont utilisés depuis des milliers d’années en médecine chinoise et indienne, entre autres, et qui «augmenteraient la capacité du corps à s’adapter aux différents stress». On doit la popularisation de cette hypothèse à Nicolaï Lazarev, un toxicologue russe qui cherchait parmi les végétaux une substance naturelle et efficace pour augmenter la résistance et l’énergie des troupes de l’armée russe pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis, le concept s’est démocratisé, et on trouve en pharmacie, dans la section des produits de naturopathie, une panoplie d’adaptogènes vendus sous forme de pilules, de gélules ou de poudre censées «aider» ou «prévenir» certains états de santé. On trouve aussi un peu partout en ligne un arsenal provenant de sources parfois obscures, qui promet des résultats miraculeux. C’est là que le bât blesse, selon la nutritionniste Amélie Loiselle. «Peu d’études ont démontré l’effet réel de ces produits, ce qui m’amène à penser que ce qu’on nous propose n’est pas basé sur des hypothèses solides. Les produits de santé naturelle ne sont pas réglementés de façon aussi sévère que les médicaments. Des analyses ont montré que certains produits ne contenaient pas la quantité exacte d’ingrédients indiquée sur l’étiquette, ou que ce qu’ils promettaient était exagéré par rapport aux résultats obtenus», dit-elle. Le mot à retenir? Prudence!

«Sont-ils dangereux? Non. Doivent- ils être pris au sérieux? Oui. Bien que les adaptogènes soient naturels, ils sont également considérés comme médicinaux et doivent être traités comme tels. Vous devriez toujours consulter un expert avant de vous aventurer dans ce vaste univers», conseille Natasha Geddes, nutritionniste holistique (sans formation médicale, mais avec une approche en naturopathie) et fondatrice de Good Goddess, une entreprise torontoise de bien-être et de nutrition.

Amélie Loiselle, sceptique, ajoute: «Des études ont été faites sur certaines vitamines, sur les antioxydants et le vieillissement de la peau, par exemple. Mais c’est encore très peu, ce qui fait qu’on a encore de la difficulté à s’entendre sur le dosage recommandé, sur les risques possibles et sur les effets potentiellement néfastes. Comme scientifique, j’ai de la difficulté à affirmer que c’est sans danger tant que je n’ai pas de preuves.»

Après avoir investi les tablettes des pharmacies, ces plantes et ces champignons adaptogènes ont tôt fait de prendre aussi d’assaut… notre routine beauté! De plus en plus populaires, ils représentaient en 2017 une industrie de plus de huit milliards de dollars aux États-Unis seulement. Prisés par les Gwyneth Paltrow de ce monde, ces végétaux sont incorporés non seulement dans des crèmes, des sérums, des huiles, mais aussi dans des poudres, des thés et des concoctions à prendre oralement dans le but d’obtenir une peau impeccable et un glow extraordinaire. Ce qui étonne, c’est qu’on peut maintenant acheter ces suppléments dans les boutiques Sephora et chez d’autres géants de la beauté!

Léa Bégin, artiste maquilleuse et fondatrice de Beauties Lab, à Montréal, vend certains adaptogènes dans sa boutique depuis ses tout débuts. «Le premier fournisseur dont j’ai mis les produits en vente dans ma boutique, c’est Wylde One, une compagnie brooklynoise qui fabrique des suppléments à base de plantes. Pour moi, les adaptogènes font partie d’une démarche de santé globale, d’un discours de bien-être général. Je ne les vends pas comme soins de beauté proprement dits et je dis toujours à mes clients que, pour apporter à notre peau le soin qu’elle mérite, il faut tenir compte à 33 % de notre style de vie, à 33 % des produits qu’on utilise et à 33 %… de notre alimentation! Il n’y a pas de formule magique ni de produit absolument miraculeux. Tout est lié», affirme-t-elle. Selon cette experte beauté, les adaptogènes, comme le matcha, l’ashwagandha et le reishi, agissent d’abord et avant tout sur le stress et l’anxiété, sur la capacité du corps à s’adapter à son environnement, d’où le nom d’«adaptogène». Les effets promis sont parfois calmants, stimulants ou encore immunisants. «Les fournisseurs jugés dignes de confiance envoient un message très clair: ces produits ne servent pas à diagnostiquer, à traiter ou à prévenir les maladies. Ils s’inscrivent dans une démarche globale de bien-être, comme le yoga, par exemple. Moi, ça a vite piqué ma curiosité, même si j’aborde le concept de façon prudente et réfléchie.» C’est donc par la bande que ces végétaux travaillent- raient à redorer notre minois. En nous calmant le pompon, ils contribueraient à notre santé globale, à notre équilibre – et nous donneraient, par le fait même, une peau de pêche et une bonne mine. Mais pas seulement! Selon Rhiannon Lytle, nutritionniste holistique (sans formation médicale) à Organika, une entreprise canadienne qui offre des «solutions de beauté naturelles», les adaptogènes sont remplis d’antioxydants – reconnus comme étant des agents antivieillissement, entre autres –, et certains champignons auraient une action hydratante, un peu comme l’acide hyaluronique. «Il existe diverses études qui ont démontré l’utilité de l’ajout de champignons et d’herbes adaptogènes à notre régime de vie pour nous apporter un soutien total, du stress à l’équilibre glycémique. Ces substances reçoivent vraiment l’attention qu’elles méritent dans le monde occidental… enfin!» dit-elle. Précisons toutefois qu’il ne semble pas y avoir de consensus clair dans la communauté scientifique au sujet des véritables effets de ces suppléments sur la santé physique et mentale.

Est-ce que ça fonctionne?

«Il existe bel et bien une relation entre l’alimentation et les soins de la peau – certains aliments peuvent effectivement influencer l’épiderme. Le lien est clair. On n’a qu’à penser aux réactions allergiques! Mais les impacts des adaptogènes doivent encore être étudiés», explique Amélie Loiselle. Les bienfaits réels de ces produits en matière de beauté restent donc à être démontrés. Pourtant, de nombreuses beautistas s’entendent pour dire que ces suppléments ont complètement transformé leur routine bien-être – et leur routine beauté du même coup. Est-ce simplement anecdotique? Peut-être. Mais les amatrices sont convaincues. «Les gens sont de plus en plus stressés et, de ce fait, de plus en plus ouverts à essayer des produits pour réguler leur stress et contrer ses effets négatifs, affirme Natasha Geddes. Ils cherchent des façons de se sentir mieux, et pour un nombre grandissant d’entre eux, les adaptogènes sont l’un des moyens trouvés pour augmenter leur bien-être.» Même son de cloche du côté de la Dre Geneviève Blackburn, spécialiste en médecine esthétique et fondatrice de la clinique montréalaise DGB: «Les adaptogènes sont-ils vraiment métabolisés dans la peau? Pour être franche, les avis sont mitigés. Certaines de mes patientes ne jurent que par ça. De mon côté, mon propre test a été plutôt infructueux. Mais si on s’assure de ne pas prendre de produits contre-indiqués pour nous, je dis: pourquoi ne pas les essayer? Si c’est une façon de nous faire du bien, de prendre soin de nous, et si on intègre cette pratique dans des choix de vie conséquents, on verra peut-être des résultats qui nous plairont. Ce qu’on ingère a vraiment une influence sur notre santé et, par le fait même, sur la santé de notre peau. C’est donc possible, à mon avis!»

«Les bienfaits réels de ces produits en matière de beauté restent donc à être démontrés.»

Comment plonger?

Il faut garder en tête que bien peu d’études scientifiques corroborent les supposés effets bénéfiques des adaptogènes, mais rien ne nous empêche – après en avoir parlé avec notre médecin ou notre nutritionniste – de faire une petite incursion dans le monde des remèdes naturels. Comment s’y retrouver et éviter de tomber entre les mains d’un charlatan? Au Canada, heureusement, il existe des normes. «Il vaut toujours mieux s’assurer qu’un numéro de produit naturel, ou NPN, figure sur le contenant, ce qui signifie que le produit a été examiné par Santé Canada», dit Natasha Geddes. De son côté, la Dre Geneviève Blackburn recommande de poser des questions à des spécialistes, histoire de choisir les produits qui conviennent à notre métabolisme et à notre routine quotidienne. Cette dernière fait d’ailleurs partie de l’équipe de la plateforme PEARLL, lancée récemment, qui regroupe bon nombre d’intervenants multidisciplinaires en santé et bien-être, et qui est un point de rencontre pour les clients avides de conseils judicieux afin d’améliorer leur style de vie, voire leur apparence, grâce notamment à la naturopathie. Léa Bégin, quant à elle, travaille avec une coach en santé holistique et une herboriste qui l’aident à proposer les meilleurs produits à ses clients. «Il faut faire des recherches et s’entourer de gens compétents. Habituellement, les entreprises qui mettent sur le marché des adaptogènes de façon sérieuse vont nommer d’emblée la provenance de leurs produits, et donner les renseignements relatifs à leur production et à leur consommation. S’il faut chercher longtemps pour les trouver, c’est qu’il y a fort probablement anguille sous roche», dit l’artiste maquilleuse, qui, dans sa boutique Beauties Lab, offre aux curieux un coffret découverte contenant plusieurs adaptogènes à ingérer. Alors, avec précaution, on essaie, on observe et on adopte… ou pas!

Curieuse d’explorer le monde des adaptogènes? Voici quelques pistes pour commencer.

Beauté intérieure : on fait le point sur les adaptogènes

Teinture calmante à l’ashwagandha sedatonic, de Good Goddess

Prix: 30 $

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Élixir énergisant à la crinière de lion, gotu kola, rhodiola et ginkgo biloba Brain Buzz, de Wylde One

Prix: 48 $

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Poudre de maca biologique, d’Organika

Prix: 23 $

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